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Ceux-ci étaient fiers de leur origine. Ils se considéraient comme français, et c’est à eux surtout qu’allait être départie la tâche de représenter pendant de longues années l’influence française dans les plaines du Nord-Ouest. On sait qu’ils ne négligèrent rien pour affirmer et défendre leurs droits de primogéniture chaque fois que les gouvernants du jour prirent des mesures qui semblaient les violer.

Dès 1785, c’est-à-dire un an ou deux après la fondation de la Compagnie du Nord-Ouest, de petits groupes de métis commencèrent à paraître autour de plusieurs de ses forts de traite, lesquels allant toujours en augmentant devinrent bientôt une force dans le pays, jusqu’à ce que, en 1816, leurs rangs fussent assez serrés pour leur permettre de défier avec succès l’autorité établie à la Rivière-Rouge. Ceci s’explique assez facilement quand on se rappelle que tous les employés en retraite venaient généralement s’y réfugier avec leurs familles, plutôt que de retourner au Canada, dont les aménités sociales ne leur souriaient plus.

C’est ainsi que nombre de métis appartiennent par leur ancêtre maternelle aux races du nord, qui sont plus dociles aux inspirations religieuses, plus honnêtes et moins immorales que les Indiens de descendance algonquine ou siouse, les vrais aborigènes du Manitoba et des grandes prairies de l’Ouest. Par exemple, la famille Riel peut se prévaloir de sang montagnais.

D’un autre côté, telle était l’influence de l’élément français, dans les postes même les plus reculés, qu’il alla jusqu’à s’assimiler les représentants des races les plus diverses, au point que des fils de Norvégiens, comme Wentzell, d’Écossais, comme McDougall, d’Anglais comme Frobisher, etc., devinrent, et sont restés,

    n’est pas au courant des mœurs indiennes. Il y a sans doute peu de mes lecteurs qui ignorent le sort absolument pitoyable fait à la femme dans la société sauvage, laquelle ne voit guère en elle que la bête de somme du ménage. Or, en date du 12 novembre 1799, un certain James McKenzie décrit un de ses engagés nommé Lambert allant, à l’entrée de l’hiver, faire avec sa femme une provision de mousse pour leur nouveau-né — la mousse sert encore de langes dans tout le nord. Le chroniqueur ajoute : « Il arriva bientôt après avec un immense fardeau (a huge load) sur le dos, pendant que Madame marchait lentement derrière sans porter autre chose que son petit marmot. Masquasis (un sauvage), le voyant arriver dans cet état, fit remarquer qu’il ne manquait plus qu’un manteau doublé de rouge avec une frange noire pour faire une femme de Lambert. » (Masson, Les Bourgeois de la Compagnie du Nord-Ouest, vol. II, p. 373), ce qui prouve que les attentions qu’il avait pour la mère de son enfant n’échappaient point à l’esprit observateur de l’lndien.