Page:Morice - Aux sources de l'histoire manitobaine, 1907.pdf/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 44 —

dait comme autant d’actes arbitraires, qui ne pouvaient que nuire au développement de la colonie et faire tort aux intérêts des « hommes libres ». Dans l’automne de 1843 il avait épousé Julie de Lagimodière ; il forma donc un comité composé de son beau-frère Benjamin de Lagimodière, d’Urbain Delorme, Pascal Breland et François Bruneau, en vue d’aviser de concert avec eux aux moyens d’obtenir l’acquittement de Sayer et l’abolition du monopole de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Ces hommes promirent de suivre en tout ses ordres et de le seconder dans les mesures préparatoires, qui consistaient surtout dans l’envoi de courriers chargés d’assembler autant d’hommes armés que possible le jour du procès.

De son côté, la Compagnie, comprenant la gravité de la crise, voulut déjouer les projets de ses opposants en fixant l’audition de cette cause au jour de l’Ascension, qu’elle savait être chômé par les métis français, tous catholiques. Elle croyait par là se débarrasser des importuns et juger les prévenus à huis clos ou à peu près.

Elle comptait sans Riel. Celui-ci alla trouver Mgr Provencher et lui demande une messe pour huit heures, afin que ses compatriotes pussent satisfaire au précepte de l’Église et en même temps assister aux séances de la cour. Le prélat se prêta sans difficulté à cet arrangement. La plupart des métis firent la sainte communion et, quelque temps avant l’heure du procès, Riel, qui était un véritable orateur, leur fit voir dans des paroles de feu l’énormité du système suivi jusqu’alors, et leur recommanda l’union et la docilité aux ordres qu’il pourrait leur donner.

Puis la petite troupe qui, paraît-il, comptait plus de 300{lié}}fusils dans ses rangs, sans compter nombre d’armes de facture plus primitive, alla traverser la rivière à la pointe Douglas et se rendit en bon ordre au fort Garry. On avait bien essayé de retenir les métis dans la voie où ils s’engageaient par la perspective d’un appel à un corps de militaires stationné dans le pays, qui s’étaient vantés de les balayer des environs du fort s’ils osaient y paraître. Mais cette manœuvre n’avait servi qu’à resserrer les rangs des protestataires et à décupler leur courage.

Vers onze heures du matin, le gouverneur de la colonie, le juge Adam Thom et les autres magistrats firent leur entrée au tribunal. Ce Thom était au service de la principale partie en litige, la Compagnie, qui le payait et l’hébergeait. Comment espérer de