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conque des populations blanche et métisse — le nouveau pouvoir n’avait pas le droit de déposséder les propriétaires ou d’imposer malgré eux de nouvelles limites à leurs terres.

En face de cette outrecuidance d’un gouvernement étranger qui, après tout, ne représentait lui-même qu’une dépendance de la Grande-Bretagne tout comme l’Assiniboia, outrecuidance aggravée encore par les mesures provocatrices de ses agents, les métis devaient-ils se laisser tondre comme une bande de moutons ? Ils n’en jugèrent pas ainsi. Ils voulurent venger les droits sacrés de propriété qu’ils partageaient avec leurs envahisseurs, et affirmer leur qualité d’hommes libres, dignes d’être entendus quand leur sort était en jeu.



Nous avons déjà dit un mot des hauts faits de J.-Louis Riel, le « meunier de la Seine. » Marié dans l’automne de 1842, avec Julie Lagimodière, une des filles de la première Canadienne de la Rivière-Rouge, il en eut douze enfants, dont le premier, Louis, devait lui succéder comme représentant de l’idée métisse et tribun[1] du peuple. Né à Saint-Boniface, le 22 octobre 1814, le jeune Louis fut bientôt remarqué de Mgr Taché, qui l’envoya en 1858 faire ses études au collège de Montréal[2]. Après ses humanités et une année de philosophie, la mort de son père en 1864 le rappela à ses foyers, où il devint le chef de la famille. Intelligent, plein de feu, d’initiative et du sentiment de la

  1. Une de ses sœurs, Sara, entra dans l’Institut des Sœurs Grises et fut envoyée à l’Île-à-la Crosse, où elle mourut. Deux frères seulement, Joseph et Alexandre, survivent à Louis.
  2. Dans son Histoire véridique, etc., l’abbé Dugas dit (p. 43) qu’en 1869 « Riel était un jeune homme de 21 ans sorti du collège depuis deux ans seulement… [où il avait été] envoyé à l’âge de onze ans ». Les italiques sont de moi, et représentent, à mon humble avis, autant d’inexactitudes. À cette époque Riel avait 25 ans ; il était sorti du collège depuis 5 ans, et il en avait 14 quand il y avait été envoyé. Comme cet auteur se trouvait alors à la Rivière-Rouge, il m’est difficile de comprendre comment il a pu écrire, p. 44 du même ouvrage, que Riel resta aux États-Unis à partir de 1867, et que « au printemps de 1869 il se mit en route pour la Rivière-Rouge, où il arriva dans le cours du mois de juin ». Le futur président du gouvernement provisoire s’établit dès l’automne de 1867 sur la ferme de son père à Saint-Vital, et y passa les deux années qui précédèrent les troubles, se trouvant ainsi presque voisin, (c’est-à-dire à cinq milles seulement), de l’abbé Geo. Dugas.