Page:Morice - Aux sources de l'histoire manitobaine, 1907.pdf/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
– 58 –

supériorité que lui assurait son éducation, par ailleurs patriote ardent et tout dévoué aux droits et aspirations de ses co-nationaux, il se fit bientôt remarquer parmi les protestataires, d’abord isolés et sans cohésion, qui graduellement élevèrent leur voix contre les agissements du Canada et les insolences de ses agents.

Après des consultations privées et des propos échangés dans l’intimité avec les principaux métis de Saint-Vital, où Riel était établi, et de Saint-Norbert, importante paroisse avoisinante, des assemblées secrètes furent convoquées, la situation envisagée sous toutes ses faces et la détermination prise d’arrêter l’ingérence indue des Canadiens anglais dans les affaires du pays en mettant fin aux opérations de leurs arpenteurs.

En conséquence, le 11 octobre 1869, comme ceux-ci traçaient leurs lignes au travers de la propriété d’un nommé André Nault[1]. Riel se présenta à la tête de 16 métis non armés[2] et intima à M. Webb, le chef des employés canadiens, l’ordre d’avoir non seulement à cesser son arpentage, mais même à quitter définitivement ces parages. Puis, comme messieurs les Anglais faisaient la sourde oreille, Riel et sa suite les empêchèrent de continuer en montant sur leurs chaînes.

Le lendemain, le colonel Dennis réclama la protection de la justice locale. Deux juges de paix mandèrent Riel, qui leur déclara sans broncher que « le gouvernement canadien n’avait pas le droit de faire des arpentages dans le territoire sans la permission expresse du peuple »[3]. Qui osera dire aujourd’hui qu’il se trompait ?

Puis, comme, selon l’expression des dépêches officielles de Dennis, on ne pouvait lui « faire entendre raison », on voulut faire agir près de lui l’autorité ecclésiastique dans la personne du R. P. Lestanc, O. M.  I., administrateur du diocèse en l’absence de Mgr Taché alors au concile du Vatican. Mais on se heurta à un refus. On eut alors recours au juge Black et même au gouverneur McTavish. Malgré que ce dernier fût gravement malade,

  1. Métis qui vit encore, bien qu’il ait assisté, le fusil sur l’épaule, à la délivrance de Sayer.
  2. Selon l’abbé Dugas, les métis étaient « au nombre d’une dizaine » (op. cit., p. 41), tandis que les dépêches officielles de l’époque en énumèrent 17, y compris Riel.
  3. Correspondence relative to the Recent Disturbances in the Red River Settlement, p. 6. Londres, 1870.