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mes actuellement le parti à la tête des affaires, se disait-il ; si quelque chose arrive à ces provisions, et qu’on les fasse disparaître en tout ou en partie, c’est nous qu’on accusera de ce méfait ».

Il voulut donc en dresser un inventaire ; mais le Dr Schultz s’y opposa. Alors, à la vue du danger que ce rassemblement faisait courir au pays, il résolut d’y mettre fin et de couper court aux complots de Schultz et Cie, en faisant investir ce repaire de provocateurs.

Le colonel Dennis, qui se désolait de son insuccès parmi les Écossais, et écrivait qu’il « n’avait encore vu aucun signe de l’enthousiasme » contre les Français dont les Winnipegois parlaient sans cesse, fit alors donner ordre à ceux-ci d’avoir à quitter la place au plus vite et de se réfugier dans l’église écossaise. Mais les Drs  Schultz et Lynch, ainsi que le Major Boulton et M. Snow décidèrent après consultation qu’on ne bougerait pas. Ils se faisaient fort, disaient-ils, de tenir tête à n’importe quel nombre de métis.

Ce que voyant, Riel s’avança le 7 décembre à la tête de 200 à 300 hommes pour attaquer le château-fort des Anglais. Mais, grâce aux bons offices d’un M. Bannatyne, il n’y eut point de sang répandu. Voyant que les métis étaient prêts à agir et s’apercevant que leur prétendue place forte s’était changée en souricière, les braves Ontariens préférèrent la prudence à l’héroïsme. Ils se rendirent, au nombre de 45, et Riel les interna dans le fort Garry. Un petit détail qui montre bien à quel point il se tenait au courant de la situation : comme on lui passait la liste de ceux qui avaient signé la capitulation, il remarqua immédiatement l’absence des noms de deux Anglais que ses gardes n’eurent pas de peine à trouver.



Débarrassé de cette pomme de discorde et par ailleurs persuadé de la nullité légale des proclamations de McDougall, qu’il avait traitées d’abord avec une certaine réserve, par respect pour l’autorité royale qu’on y mettait en avant avec un sans-gêne si peu édifiant, Riel publia lui-même le 8 décembre 1869 un document où, « après avoir invoqué le Dieu des nations », il déclare solennellement que le peuple de l’Assiniboia, trahi dans son autonomie et ses intérêts les plus chers par ceux dont il avait jusque-là relevé, s’était donné un gouvernement provisoire qui devait désormais être tenu pour la seule autorité légitime du pays, jus-