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j’arrivai à la maison de Geouton, je demandai à voir le malade ; mais le père de famille me dit que personne chez lui n’avait besoin de mes services, et qu’il m’avait envoyé chercher pour me tirer du danger qui menaçait les prisonniers. Il était rumeur que les colons anglais allaient venir attaquer le fort, et le brave homme craignait que quelque malheur ne m’arrivât.

Et voilà quels étaient les « bandits qui opprimaient le peuple » de la Rivière-Rouge ! Plût à Dieu que les propres soldats de celui qui n’avait pas honte de cette flagrante injustice leur eussent ressemblé ! Selon un contemporain anglais, les métis en armes « étaient civils à l’égard de tous les étrangers qui les rencontraient, »[1] tandis que les fameuses recrues auxquelles Wolseley recommandait de confondre par leur bonne conduite les « gens mal intentionnés qui s’efforçaient de faire croire à une partie de la population qu’elle avait beaucoup à craindre d’eux », donnèrent la mesure de leur valeur en tuant à coups de pierre un métis qui ne leur disait rien, et en laissant pour mort, après l’avoir attaqué sans provocation, un autre qui revenait d’accomplir un acte de charité[2] !



Je m’attarde peut-être mal à propos à défendre les amis de Riel contre les insultes d’un bigot. Pour justifier maintenant mon titre de « Métis et Blanc », il me faut dire quelques mots d’une tentative de gouvernement par un blanc, avec le fiasco duquel le lecteur comparera instinctivement le succès des métis de la Rivière-Rouge. Les détails de cette épopée d’un nouveau genre sont assez peu connus pour que j’en rapporte quelques-uns[3].

Un nommé Thomas Spence, après avoir résidé quelque temps au fort Garry, avait transporté ses pénates au portage Laprairie, quelque 56 milles plus à l’ouest. Là, se trouvant en dehors de l’Assiniboia, il se crut l’homme de la situation et, en 1867, il prit sur lui-même d’inaugurer une espèce de république qu’il appela d’abord Caledonia, puis Manitoba. Il lui donna des centaines de milles carrés de superficie, et tout naturellement s’en

  1. Livre bleu de 1870, p. 27.
  2. V. les art. Goulet (Elzéar) et Nault (André) dans mon Dictionnaire historique des Canadiens et des Métis français de l’Ouest en ce moment sous presse.
  3. Je les emprunte à un livre devenu rare, l’Histoire du Manitoba, par Rob. B.  Hill.