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nomma président. En même temps, un conseil fut formé et ceux qui le voulurent prêtèrent le serment de fidélité. Petits et grands bien comptés, sans oublier les enfants à la mamelle, la population du nouvel empire pouvait bien se monter à 400 âmes.

Le premier besoin qu’on eut à satisfaire dans ce royaume du roi Pétaud fut celui d’une prison. Pour se procurer les fonds nécessaires à sa construction, on organisa un système de taxes et de douane. Mais, première déception, les autorités de la Compagnie de la Baie d’Hudson refusèrent de s’y soumettre. Que pouvait-on contre pareils adversaires ? Puis un certain cordonnier du nom de McPherson poussa l’irrévérence pour les autorités constituées jusqu’à déclarer que les taxes perçues s’en allaient en bière et en whiskey que les membres du gouvernement se chargeaient de consommer. Par surcroît de malheur, beaucoup des administrés de Spence eurent assez peu de charité pour partager cette opinion.

Évidemment, pareil manque de respect ne pouvait se tolérer, surtout quand le coupable n’était qu’un cordonnier. Deux constables furent donc chargés de l’arrêter sous l’inculpation de… trahison (c’est littéral). Mais McPherson ajouta encore à sa faute en protestant contre cette mesure. Après une lutte corps à corps, au cours de laquelle il eut ses habits mis en lambeaux, il parvint à s’échapper, et il était à courir dans la neige, poursuivi par les deux officiers que le whiskey gouvernemental empêchait d’être aussi lestes que lui, quand un traîneau vint à passer. Il s’y jeta hors d’haleine et en criant au secours. Un des conducteurs du véhicule nommé McLean tint alors à distance les sbires du président en les menaçant d’une énorme tarière qu’il tenait à la main. Puis, ayant appris l’objet de la « poursuite » il conseilla au cordonnier de suivre les constables, ajoutant qu’il veillerait lui-même à ce que justice lui fût rendue.

Le soir du même jour, après souper, il se dirigea, en effet, en compagnie de quelques mineurs, chez un nommé Hudson où McPherson devait subir son procès. La cause se vidait déjà quand la petite troupe entra. Spence se tenait au bout d’une table, séparé par une lampe de l’inculpé qui lui faisait face.

« De quoi accuse-t-on McPherson ? demanda John McLean.

— De trahison aux lois de la république, répondit Spence.

— Nous n’avons point de lois, fit John. Dans tous les cas, qui est l’accusateur public ?

M. Spence, dit un des constables.