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À l’arrivée des missionnaires, il les reçut avec des transports de joie, et fut baptisé par le P. Taché en 1848, à l’âge d’au moins 72 ans.

Sa mère était une Montagnaise, c’est-à-dire qu’elle appartenait à la grande famille dénée, race aborigène qui est foncièrement religieuse, ce qui, ajouté aux qualités probables du père, explique assez les dispositions du fils. Indépendamment des deux langues de ses parents, il parlait les dialectes des sauvages Couteaux-Jaunes dont il était le chef, et des Flancs-de-Chien parmi les­quels il avait été élevé.

Mgr Taché le représente en 1856 comme « l’enfant soumis de l’Homme de la prière, qu’il sert toujours avec empressement et générosité, versant des larmes sur les longues années passées dans l’infidélité, et s’efforçant, par une vie admirable de foi et de piété, de racheter le temps perdu[1]. »

De son côté, à la date du 9 juillet 1862, Mgr Grandin raconte dans son journal que, n’ayant pu s’arrêter chez « le bon vieux Beaulieu et les sauvages campés autour de sa maison, » celui-ci s’embarqua aussitôt, à l’âge de 90 ans, pour aller camper avec le missionnaire. Le but de cette démarche apparaît dans les lignes suivantes de l’évêque missionnaire : « Hier, écrit-il, pendant que les hommes étaient occupés à passer par terre, à cause d’un rapide dangereux, les barques et tout ce qu’elles contiennent, j’eus la consolation de célébrer la sainte messe en présence de mon brave vieillard seulement. »

Bien plus, malgré son âge avancé, il offrit gratuitement ses services au missionnaire dans le but avoué de l’aider à désabuser les Indiens qui se laissaient séduire par les ministres protestants. L’année précédente il lui avait même offert tout l’argent que la Compagnie lui devait, et que le jeune prélat avait cru devoir refuser, vu l’état de pauvreté où il le voyait. Son manque de ressources ne l’avait pas empêché de donner peu de temps auparavant un billet de vingt livres à la mission d’Athabasca.



J’ai nommé plus haut la Compagnie du Nord-Ouest. Cette corporation commerciale qui représentait les intérêts franco-canadiens, bien qu’elle fût dirigée surtout par des Écossais, eut une

  1. Vingt années de missions, année 1856.