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entrevoir le danger qu’il y avait à recourir à de pareils auxiliaires pour amener la chute d’un homme.

Riel faisait arrêter les perturbateurs de l’ordre public ; puis, sur leur promesse d’amendement confirmée par la solennité du serment, il consentait à leur élargissement. Malheureusement beaucoup ne semblaient faire aucun cas de la foi jurée. Ils n’étaient pas plus tôt remis en liberté qu’ils recommençaient à fomenter la discorde et à prêcher la révolte. Aussi, instruit par l’expérience, le président hésitait-il à relâcher les prisonniers qu’il avait faits dans la maison de Schultz. Pourtant, voyant à la fin son autorité consolidée par la coopération des membres anglais ainsi que par la reconnaissance formelle de la Compagnie de la Baie d’Hudson, il crut à la cessation des complots et à la possibilité d’une population unanime dans ses aspirations. Le résultat pratique de ces sentiments optimistes fut l’élargissement de seize prisonniers, (2 février 1870). Les autres devaient incessamment recouvrer leur liberté ; plusieurs s’étaient déjà évadés, entre autres le fameux Schultz lui-même.

Mais voilà qu’on apprend qu’une centaine d’Anglais sous la conduite d’un capitaine Boulton arrivent du Portage-la-Prairie, pour s’unir à un formidable parti du bas de la rivière, tous armés dans le but d’attaquer le fort Garry, délivrer ce qui reste de prisonniers et culbuter Riel et son administration, qui vient pourtant d’être reconnue par les deux sections de la population. Pour ne pas fournir une excuse à ses ennemis et de peur d’assumer la responsabilité du désastre dont les folles menées des étrangers menaçaient la colonie, Riel fit alors relâcher les prisonniers. Puis il doubla la garnison du fort et mit en état de siège l’évêché de Saint-Boniface. Ce que voyant, les Anglais du bas de la Rivière se débandèrent, et les étrangers du Portage-la-Prairie voulurent regagner leurs foyers. Mais, las de l’état d’anxiété continuelle où les tenaient les agissements de ceux-ci, les lieutenants de Riel voulurent en finir avec une situation si tendue. Ils se mirent donc à la poursuite des Portagiens et en arrêtèrent quarante-huit, dont quatre furent passés en cour martiale et condamnés à mort, mais bientôt après graciés.

Cependant il y avait parmi eux un individu de caractère intraitable, qui s’était toujours fait remarquer par ses intempérances de langage et la violence de sa conduite. C’était un nommé Thomas Scott, natif d’Ontario, qui avait commencé sa carrière à la