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Th. Scott fut si violent qu’un certain nombre de métis se trouvant exaspérés le saisirent, le traînèrent en dehors et s’apprêtaient à le sacrifier lorsqu’un des conseillers français, survenant dans ce moment, le leur arracha et le renvoya dans sa cellule. Le 1er  mars Riel fut averti, et se mit à s’enquérir des circonstances de cette affaire, tâchant de calmer les gardes. Mais ce jour-là même, T. Scott ayant renouvelé ses actes outrés, les soldats demandèrent à grands cris que l’affaire fût laissée à la cour martiale. Riel fit tout ce qu’il put pour persuader Scott de promettre d’être paisible : Scott se moqua et insulta.

Le surlendemain, 3 mars, il fut traduit devant un conseil de guerre, et, sur des témoignages assermentés, ayant été trouvé coupable des choses qui viennent d’être énumérées à son sujet, il fut condamné à être fusillé le 4 mars à 10 heures du matin. Son aumônier demanda grâce pour lui ; à cause du Révérend G. Young, l’exécution fut retardée et n’eut lieu qu’à midi. Les complications des affaires politiques de la Rivière-Rouge rendirent sa mort inévitable.

Je ne puis m’empêcher de trouver dans cette page de Riel un calme et une modération qu’on n’attendrait guère d’un homme que d’aucuns ont voulu faire passer pour un exalté, sinon un écervelé. Il est incontestable que cet exposé omet plusieurs graves accusations contre Scott que l’historien doit enregistrer. Ainsi il ne parle point de sa participation aux violences qui amenèrent la mort de Parisien et, par ricochet, celle du jeune Sutherland. Il passe par-dessus l’assaut dont Scott se rendit coupable envers le président lui-même. Surtout il omet la raison principale de sa condamnation (que la plupart des auteurs rapportent), à savoir le fait qu’il fut maintes fois pris les armes à la main contre l’autorité établie, au mépris de son propre serment[1].



Le fils d’un homme respectable, M. J. Sutherland, perdit la vie par suite du rassemblement destiné à promouvoir une épouvantable guerre civile : l’affaire passa presque inaperçue en dehors de la colonie. Le métis Parisien mourut des suites des blessures qu’il reçut : les Canadiens anglais qui l’apprirent en furent moins fâchés que contents. Elzéar Goulet fut ensuite tué à coups de pierre par les Ontariens au moment où il traversait la rivière à la nage : la presse d’Ontario applaudit. Mais quand un homme qui était connu pour être un perturbateur invétéré de la paix publique eut été exécuté pour un crime dont il se faisait gloire et qu’il se déclarait prêt à commettre de nouveau, ce fut un tollé

  1. On assure que Thomas Scott ne fut pas arrêté moins de six fois.