Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/118

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Une voix proteste. Vibrante et bien humaine, celle-là. La voix d’une Raison toute puissante, d’une Imagination ardente, d’un Corps malade, la voix d’un homme : Pascal. La plus pure grandeur du XVIIe siècle porte ce nom, qui est aussi celui de l’avenir. Pascal a vu plus loin que son temps le désastre où ce parti-pris de spiritualité précipite l’âme humaine. Il a vu la sensualité dévorante de dresser à l’horizon crépusculaire, née de la raison épuisée d’avoir si longtemps régné seule et du corps révolté d’avoir été oublié si longtemps. Pascal a vu de ses yeux d’homme et de génie les besoins nouveaux des jours qui venaient, il a entendu la question qu’allait à son tour proposer au Sphinx l’Humanité, qui se lève quelquefois comme un Sphinx, elle aussi, devant l’autre, l’éternellement silencieux. La réponse du Sphinx, Pascal croyait la trouver dans cet Evangile qui offre à nos faiblesses l’appui divin, et il entreprit sa Démonstration de la Religion Chrétienne. La composition de cette œuvre, qui ne devait pas être achevée, est un drame dont l’horreur passe les plus sombres rêves des Poètes. Les renseignements trop succincts des témoins de ce drame intérieur éveillent la pitié et l’admiration sans combler la curiosité. Il semble voir Pascal commencer son livre avec le tremblement d’une certitude passionnée et qui, par là-même, échappait à sa propre maîtrise. Et peu à peu, à