Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/132

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de l’obsession du mal : pourtant le même homme jouit violemment de la vie et a des heures de très franche gaîté. Tous les plaisirs de ses sens l’intéressent, la nouveauté des spectacles, le luxe, l’amour et la gloire aussi. Pourquoi donc n’écrit-il que sous la morsure du désespoir ? Parce qu’il en a le culte, parce qu’il accomplit sans cesse, dans son âme, ce péché contre l’Amour et contre la Joie. Mais encore — cela est si hors nature ! — pourquoi le commet-il, ce triste péché ? L’explication semble si peu proportionnée avec le phénomène que les contemporains de lord Byron ne purent la trouver et lui substituèrent des motifs romanesques dont la postérité a souri. Gœthe lui-même donna dans ce roman de goût médiocre et le consigna dans l’article qu’il consacra au Manfred[1] Cette page vaut d’être rapportée, montrant si bien que même à ceux qui subissaient les mêmes influences de cette

    que « ce qui me frappait surtout, dans les couchers du soleil d’Italie, c’était cette teinte rosée particulière au pays. » — À peine avais-je prononcé le mot « rosée » qu’appuyant sa main sur ma bouche, lord Byron me dit en riant : « Allons donc, damnation ! Tom, n’allez pas faire le poétique. » Parmi le petit nombre de gondoles qui filaient devant nous, il y en avait une, à quelque distance, où étaient assis deux gentlemen, qui paraissaient Anglais ; et, observant qu’ils regardaient de notre côté, lord Byron, mettant ses poings sur ses hanches, s’écria, avec une gloriole comique : « — Ah ! John Bull, si vous saviez qui sont les deux camarades qui se tiennent debout ici, je pense que vous ouvririez de grands yeux ! »

  1. Kunst und Alterthum, 1820.