Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/279

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le pressentiment et l’aspiration qui soulèvent toute la poésie moderne, tantôt en méditations chrétiennes, comme chez Campbell et Wordsworth, tantôt en visions païennes, comme chez Keats et Shelley. Ils entendent palpiter le grand cœur de la nature, ils veulent arriver jusqu’à lui, ils tentent toutes les voies spirituelles ou sensibles, celle de la Judée et celle de la Grèce, celle des dogmes consacrés et celles des doctrines proscrites. Dans cet effort magnifique et insensé les plus grands s’épuisent et meurent. Leur poésie, qu’ils traînent avec eux sur ces routes sublimes, s’y déchire. »

Ainsi parle M. Taine et, malgré la menace des dernières lignes ci-dessus citées, son admiration et sa préférence ne sont pas douteuses. Pendant ce temps, un critique très sage, quoique, sans doute, un peu réduit par l’exclusif de son point de vue, du haut de renseignement et de la tradition d’un siècle dont la grandeur le désenchante de tout avenir, juge avec sévérité les tentatives nouvelles et se roidit contre le courant heureux et fatal qui emporte notre âge à l’apothéose suprême de l’Art Intégral. Je respecte l’indubitable sincérité de M. Brunetière, j’aime autant, je crois, qu’il peut les aimer, les maîtres inimitables du XVIIe siècle, mais je crois qu’eux-mêmes, en ce temps, eussent été des novateurs : ne l’ont-ils pas été, à leur date ? — D’ailleurs, je pense que l’effort de M. Brunetière n’est pas perdu ; qu’il est providentiel qu’une voix