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jours d’instruction militaire » ; les agitations de la rue : le grincement de la machine gouvernementale — journaux, élections, changements de ministères — n’a jamais fait tant de bruit ; l’autocratie turbulente et bruyante du commerce a supprimé, dans les préoccupations publiques, la préoccupation de la Beauté, et l’industrie[1] a tué ce que la politique laisserait subsister de silence. Comparez à ces points de vue divers l’époque présente avec la Restauration, avec la Monarchie de Juillet, avec le Second Empire.

Influences morales : je les réduis toutes à la tentation du « Succès. » Je ne parle pas de la Gloire : la notion s’en est perdue dans le monde. J’oserais à peine dire : « célébrité. » Le succès

  1. Je n’ai point à rechercher quelles conditions fera aux Poëtes l’Industrie perfectionnée, — alors que s’ouvrira l’ère des machines définitivement et partout substituées à la main de l’homme. Que ce dernier période du progrès comblerait le malheur universel et n’aura sans doute jamais de réalité que dans les horribles rêves des philanthropes, je le pense, mais ce n’est pas ici le lieu de le déduire au long. Je n’ai qu’à constater les conditions de l’instant présent, « instant de transition », affirmant nos sociologues, et si j’entends bien le sens de ces mots, c’est-à-dire que la majorité des vivants anticipent sur ce futur âge d’or mécanique qui sera leur règne, emplissent déjà la terre du bruit épouvantable de leur avènement, commencent à repousser loin d’eux les âmes exceptionnelles, les têtes qui naissent couronnées : car, outre que leur royauté native et inviolable serait un perpétuel outrage à la Médiocrité Souveraine, elles seraient sans abri ni fonction dans un monde où plus rien ne pourra se produire d’exceptionnel.