Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/300

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l’essence unique et singulière pourtant de toutes beautés, ils étendent ces limites, ils demandent à ces secrets de les conduire plus loin, plus loin encore. Et c’est souvent avec uneadmirable simplicité — la simplicité, ce signe de la certitude — qu’ils rénovent un art comme étreint entre les murailles sacrées que lui font de très antiques merveilles, qu’ils meuvent l’immuable et prêtent au précis par excellence le charme du vague, à l’instantané comme des replis et des retours successifs, à l’immédiat un recul de rêve. — Par exemple : Monticelli, de qui le nom signifie la plus atroce injustice de ce temps et peut-être le plus grand de tous les peintres (Monticelli des œuvres de qui on fait de faux Diaz !) nous peint un lion. D’abord dans cette magie de couleurs ardentes et comme jetées, on ne percevrait que violences dont le regard est brutalisé. Puis on regarde davamage et, si je puis dire, on écoute, on voit ces ardeurs fauves s’entendre, s’accorder, former un ensemble, une symphonie de cuivre, tandis que les relie, comme une ligne directrice de thèmes, le modelé seulement exprimé, lui aussi, par les couleurs. Qu’on se souvienne tout à coup que c’est un lion, et on comprend. Monticelli a vu et nous montre l’analogie profonde et certaine qui existe entre le pelage du fauve et sa férocité, et, sans prêter à la bête le geste menaçant de la naïve illustration, il a seulement fait rugir les tonsterribles de cette robe féroce. — M. Eu-