Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/359

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frêles notations d’insaisissable comme voici :

Le bleu va, — sans plus de passion. — de l’amour à la mort, ou mieux il est d’extrémité perdue. Du bleu-turquoise au bleu-indigo, l’on passe des pudiques effluences aux ravages finals. Nativités et détresses, si vraies qu’elles sont réduites à se taire[1].


ou encore :

Il me semble sentir, entre mon âme et l’au delà convoité, je ne sais quelle tapisserie indiciblement légère qui pourtant sépare. Derrière elle, je devine des mondes d’une nouveauté éternelle, car à des moments elle remue inquiétante et délicieuse, sous des souffles de par là bas et les fleures indécises de cette tapisserie point faite de main d’hommes, telles un peu que d’antiques souvenances, s’entendent alors avec les lents mouvements arabesques du tissu où couve et d’où s’échappe comme un relent d’ineffable.

C’est surtout en de tels pleins et brefs poëmes en prose que l’analyste cède à un poëte plus complet, mieux armé, et comme le mystique s’y révèle, le métaphysicien s’y laisserait entrevoir. Ainsi les livres de Francis Poictevin, avec leur délice de suggestions et des beautés neuves, ne livrent pourtant que mal, qu’imparfaitement du moins, le réel vouloir esthétique du poëte. L’art qu’il voudrait de nuance et d’universalité tout à la fois, n’y donne guère que ses nuances. Est-ce de courage que manque cet artiste, lui qui connaît à merveille quelle œuvre est à faire ? On ne doit point le penser, mais on peut craindre l’excès des

  1. Francis Poictevin : Derniers Songes.