Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/101

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de l’horizon. On n’entendait plus aucun bruit que la musique grêle du violon qui montait par moments, lorsque le vent soufflait de ce côté.

Elle se dit que ce bonheur n’était que le commencement d’autres bonheurs. Elle verrait Pierre le lendemain, d’autres jours encore, maintenant qu’il était revenu, et son cœur se gonfla d’une joie abondante.

Près de la sente se trouve une source cachée qui, d’une roche moussue, pleurait autrefois goutte à goutte dans une vasque d’argile. Elle est violée, maintenant qu’on l’a enfermée dans une cuve de ciment, pour alimenter la prise d’eau d’un fort bâti sur la hauteur. Malgré tout elle est encore jolie, avec sa nappe claire qui s’étale sur un fond de feuilles mortes, tombées des hêtres. L’eau bruit doucement et des rayons de lumière se jouent à sa surface.

Marthe descendit l’escalier de pierres branlantes, plongea ses mains dans l’eau, pénétrée jusqu’au cœur par le contact du flot. Des cupules de glands y couraient, comme une flottille minuscule.

Des pas sonnèrent dans le sentier.

Débouchant du jeune taillis où traînait un reste de clarté, Pierre et la Renaude s’avançaient. Marthe les vit très bien, car ils s’étaient arrêtés tout près d’elle. Renversée sur le bras du garçon, la Renaude, d’un geste caressant, lui prenait la tête dans ses mains, et riant d’un rire pâmé elle attirait sa bouche à portée de ses lèvres. À la clarté flottant dans le bois assombri, Marthe distinguait son cou rond et blanc qui se gonflait, et la pâleur laiteuse de ses dents, brillant entre ses lèvres rouges. Et ce rire qui ne finissait pas lui faisait mal.