Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/103

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petits cris dans leurs nids de terre glaise, attachés au rebord des toits.

Assise à sa fenêtre ouverte sur les clartés mourantes, Marthe travaillait encore, penchée sur son ouvrage de broderie.

Tout le jour elle avait bercé sa tristesse au va-et-vient monotone de son aiguille, tout le jour elle avait ressassé les raisons qu’elle dirait à Pierre, quand il viendrait la rejoindre, ramenant du même coup l’obsession de sa douleur. Certes, elle ne lui ferait pas de reproches, car elle sentait tout au fond de son cœur quelque chose de doux, de triste et de fort qui la poussait à lui pardonner. Elle poserait sa tête sur sa poitrine, elle pleurerait, et lui demanderait de ne plus recommencer.

En fille de la campagne prématurément instruite des choses de l’amour par les conversations, elle savait qu’une telle conduite était permise aux garçons, qui prennent leur plaisir avec les dévergondées. Mais c’était trop cruel, cette trahison, au soir même de leur première journée d’amour.

Tout à coup elle tressaillit, avertie par un instinct mystérieux de sa présence. Il était auprès d’elle et sa haute stature noire, se découpant sur le couchant lumineux, emplissait toute la fenêtre.

Elle lui parla. Était-ce une autre qui parlait à sa place ? Il lui semblait entendre le son d’une voix étrange et elle ne trouvait plus rien de ce qu’elle avait préparé.

— Vous n’avez pas honte ! Allez donc retrouver la Renaude !

Cela avait jailli du premier coup contre sa volonté, comme un cri de révolte où s’affirmait son honnêteté à