Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/127

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De temps à autre, il s’arrêtait et mettait le nez au ras du sol, comme un chien qui flaire une piste ; il examinait les brins d’herbe, les branches cassées, les empreintes marquées dans la terre molle. Alors il appelait Marthe, et il lui montrait avec un sourire de triomphe des riens invisibles pour d’autres yeux, un piétinement de patte griffue, une touffe de poils jaunâtres, attachée à l’épine d’un églantier. — « Tu vois, disait-il, un grand lièvre a passé là tout à l’heure. » Puis on suivait la piste qui se perdait dans le fourré, et sous une touffe de noisetiers, on trouvait quelques herbes foulées en rond, gardant encore l’empreinte d’un corps de bête. La place était encore chaude. — « Tiens, c’est son gîte, il reviendra coucher là sûrement. »

Puis une finasserie contenue animait son regard et, clignant des yeux d’un air malin, il ajoutait que si tel braconnier de village trouvait cette place, ça ne ferait pas un pli. Un collet bien posé, et la bête serait prise. Pour un peu le garde aurait essayé, pour rien, pour le plaisir, en brave homme que des instincts de maraude tourmentaient par moments, dans l’exercice de sa profession.

Marthe riait. Elle oubliait sa souffrance, ses idées prenant un tour plus joyeux. Elle se laissait aller à une autre vie, à une sensation confuse de bien-être qui venait de son corps baigné dans l’air vif, de ses poumons emplis des grands souffles que la forêt exhalait, dans ce matin trempé de lumière.

Elle se mit à cueillir des fleurs, des digitales bleues et des graminées, dont la tige se couronnait d’une poussière tremblotante.