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jouant parfois à des jeux de mains un peu brutaux, et s’embrassant à pleine bouche, sous le soleil, sans se douter qu’on les voyait.

La « trapelle » surtout en prenait à son aise, passant ses mains sur le cou du garçon, se frottant contre lui, avec des airs de chatte amoureuse.

Dorothée, qui les voyait, haussa les épaules : « si ça ne faisait pas pitié ! » Mais Marthe souffrait trop, il fallut rentrer au village…

Les deux femmes travaillaient au reposoir qu’on avait l’habitude d’élever, tous les ans, à l’entrée de la Creuse, devant la maison de Dorothée.

On avait jeté sur un échafaudage de bois des draps blancs, où étaient piqués par endroits des œillets et des étoiles de papier doré. Une voisine prêta des chandeliers de verre filé. Sur la dernière marche un Jésus de plâtre, dans un geste de bonté infinie, ouvrait ses mains exsangues, où les clous avaient ouvert des plaies. Des touffes de roseaux se balançaient au bas, placés dans des pots de grès. Et les ramures, fichées dans le sol, faisaient autour du reposoir une haie verte, qui bruissait dans le vent tiède.

Les minutes passaient. Marthe restait écroulée dans un fauteuil d’osier, à l’ombre de la haie murmurante. Une telle lassitude l’appesantissait, qu’elle ne se sentait pas la force de rentrer…

Ainsi donc ils ne se gênaient plus, ils s’embrassaient en pleins champs. Ça finirait peut-être par un mariage. Elle fit une moue dégoûtée.

Les cloches sonnaient, la procession devait sortir à ce moment-là de l’église : le vent apportait un faible écho des versets latins et des cantiques.