Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/154

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air malin, il se prépara à en dire une bien bonne :

— Toi, espèce de brinquin, tu seras comme le Joujou de Crépey.

Tout le monde fit silence, attendant l’histoire.

« Tu ne sais pas ce qu’y faisait, le Joujou de Crépey. C’était une espèce comme toi, qui ne respectait rien, ni Dieu, ni diable, qui faisait endêver ses père et mère, tous les jours que Dieu fasse. Y trouvait trop bête de travailler la terre, y voulait aller à la ville, être un mossieu, avec un décalitre sur la tête. Un jour qu’y s’était décidé, il se met en route ; sa mère mettait des poires à cuire dans le four. Comme il avait oublié quelque chose, y revient sur ses pas. Les poires n’étaient pas encore cuites, qu’y n’savait plus seulement le nom de son petit frère. « Qu’est-ce que c’ petiot-là ? qu’y dit à sa mère en rentrant. — Mais c’est not’ Jules, tu l’ reconnais bien, ma frique ! — Ma foi, non » Y va dans la grange, où son père battait l’avoine. Pour faire le grand mossieu, y n’retrouvait plus le nom des outils ; y dit à son père en lui montrant un râteau : — « Comment donc qu’on appelle ça ? » Alors le vieux lui dit : « Mets-lui le pied sur les dents. » L’autre obéit : v’là le râteau qui lui revient dans la figure : v’lan, un bon coup ! « Sacré cochon d’râteau, » qu’y dit alors. Et le père répond en rigolant : « T’as retrouvé, mon fi. »

Tout le monde applaudit, et Colas Millet conclut sentencieusement :

— V’là ce qu’y vous arrive, quand on méprise les autres ; alors on n’a que ce qu’on mérite.

Le gringalet se taisait, tout penaud. On prodiguait à Colas ces bourrades dans le dos, ces larges claques sur les épaules qui sont chez les simples une marque