Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/169

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individus, l’un bon et l’autre mauvais. Et le mauvais souvent avait le dessus.

C’était l’autre, le sournois et l’entêté, qui avait courtisé la Renaude, qui avait imaginé de se donner en spectacle aux gens, s’obstinant à avoir le dernier. Pierre s’effarait, en songeant que si on ne l’avait pas arrêté, il aurait fait pis encore. Heureusement qu’il s’était arrêté à temps, et que tout pouvait s’arranger.

Lassé à la fin de sa course, il était venu s’asseoir sur le tronc d’un vieux noyer abattu, couché au fond d’un verger. Il réfléchissait, la tête dans ses mains, faisant effort pour voir clair dans ses pensées. Des coups de vent, secouant les branches des pommiers, faisaient tomber sur le sol des ruissellements d’eau, donnant à croire que l’averse redoublait. Et la Creuse débordée roulait sourdement au fond des ténèbres, entraînant de grosses pierres, qui roulaient à grand bruit sur le fond de rocailles.

La lune qui allait se lever à l’orient baignait le ciel de blancheur. Et le rayonnement de cet astre, encore caché sous l’horizon, mettait dans la nuit une palpitation de clarté d’une tendresse infinie.

C’est vrai qu’elle était bien bas, cette pauvre fille. Quand il l’avait vue pour la dernière fois, il avait été frappé par sa pâleur, par l’expression de souffrance qui émanait de ce visage émacié, amenuisé par la maladie, par la pesanteur de ces paupières nacrées, qui semblaient prêtes à se fermer pour le dernier sommeil. Alors, c’était donc vrai qu’on pouvait mourir de cette façon. Jusque-là, quand il avait entendu raconter des histoires de filles se jetant à l’eau pour un amoureux, il avait haussé les épaules avec dédain, en garçon