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— Embrasse-la, Jean-Jean, et qu’on n’en parle plus.

Puis il rit tout haut, de bon cœur, voyant l’empressement de sa fille.

La mère Catherine tournait dans la cuisine, tout effarée. Elle retrouva pourtant sa présence d’esprit pour aller atteindre, au haut d’une armoire, un bocal de mirabelles à l’eau-de-vie, une fameuse recette dont elle avait le secret. On choqua à la ronde les petits verres, où tremblait la liqueur ambrée.

Le garde attendri regardait sa femme.

— À ta santé, ma pauvre vieille. C’est ça qui ne nous rajeunit guère.

Puis il cligna de l’œil d’un air malin :

— En v’là des embarras, ma pauv’ Catherine. Quel tracas, une noce pareille : va falloir mettre les petits pots dans les grands !

— On fera de son mieux, dit la vieille.

Dominique, assis sur le coin de sa chaise, regardait fixement le plancher. Il était très loin, en arrière, perdu dans le passé. Au souvenir de sa bonne femme morte, une émotion l’étreignait, et il secouait doucement la tête, par politesse, pour approuver ce qui se disait autour de lui.

Puis il finit par prendre le dessus, et il entama une longue conversation avec le garde. Ils se rappelaient leur jeunesse, le temps où ils allaient voir leurs amoureuses. Comme ça passait vite, la vie. Quand on était jeune, on ne pouvait pas s’imaginer la chose. On avait du temps devant soi. Puis, le temps de le dire, et on était vieux.

Assis au coin de l’âtre mort, les deux amoureux n’écoutaient pas ces propos. Ils s’enivraient de leur