Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/180

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d’habitude ne font guère attention à ces choses. Quand ils la rencontraient dans les chemins, ils l’arrêtaient pour la complimenter, en secouant la tête avec bonhomie : « Allons, ma fille, ça va mieux ! y a pas besoin de le demander ; ça se voit ! » Et elle leur répondait poliment, avec joie, car tout le monde lui paraissait affable, et son bonheur était si grand, que chacun devait en prendre sa part.

Son caractère aussi était changé.

Elle ne pouvait tenir en place. Elle vagabondait le long des chemins, l’esprit envolé dans des rêves. Il lui prenait des envies folles de courir, et le soir, quand personne ne la voyait, elle sautillait à cloche-pied, comme une petite fille qui s’attarde à jouer, au lieu de rentrer à la maison.

Si sérieuse d’ordinaire, elle se révélait espiègle, amusée d’un rien, et riant aux éclats, même quand elle était seule. Lorsqu’elle repassait son linge, penchée sur sa table de travail, poussant le fer chaud qui fumait sur la toile mouillée, c’était plus fort qu’elle ; elle ne pouvait s’empêcher de faire toutes sortes d’agaceries au chat Marquis qui sommeillait à côté d’elle.

Du bout d’une guimpe empesée, raide comme du carton, ou d’une fine collerette de dentelles, elle lui chatouillait la pointe de ses longues moustaches. L’animal sortait de sa torpeur, ouvrait ses yeux d’or, faisait mine d’allonger sa patte griffue. Puis il bâillait voluptueusement, et se rendormait aussitôt ; car c’était une bête raisonnable, à qui l’âge avait donné toutes sortes de gravités.

D’autres fois, elle allait près de la cage où sautillait le merle et, dans un besoin irraisonné de confier aux