Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/187

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tesse qui rôde à la surface des étangs assombris.

Maintenant l’eau fuyait vers des profondeurs, qui semblaient soudain reculées. Les masses de joncs bizarres, les rives vêtues de roseaux, les grands arbres se dessinaient confusément. Des souffles tombèrent qui, plissant la surface de l’eau de rides innombrables, n’avaient pas la force d’agiter les feuillages aigus des saules. Une dernière clarté mourante parut s’engluer dans la nappe, avec un long frissonnement.

Comme si ce large, ce religieux silence qui faisait haleter leurs poitrines et battre leurs cœurs, eût rassuré les autres êtres, toute une vie fuyante, faite de glissements de reptiles et de vols d’oiseaux, s’éveillait dans les berges. Bêtes qui rampent, bêtes qui sautent, bêtes qui plongent, qui traînent leurs ventres mous sur les putréfactions des végétaux, amoncelées dans la vase. Des loutres fuyaient, montrant au ras de l’eau leurs têtes moustachues, leurs yeux vifs et inquiets, laissant derrière elles un sillage d’argent. Des poules d’eau rentraient à leur nid, glissant sans bruit dans la forêt de roseaux. Au loin, très loin, monta la note ardente et mélancolique d’un crapaud, qui secoua la nuit de sa vibration de métal. Et il y avait d’autres bruits étranges et insolites, qui leur causaient de véritables angoisses, le chant profond et monotone du marais endormi sous les étoiles.

Le crépuscule s’attardait, ce crépuscule interminable des jours d’été, mystérieuse lueur qu’on dirait sortie de la terre.

Et le vieux Dominique se mit encore à rêver au sein de cette ombre, revoyant ses matins d’autrefois à la même place, les clairs matins de pêche.