Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/189

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Un tel attendrissement s’emparait du vieux, que de grosses larmes coulaient le long de son nez ; alors il les essuyait du revers de sa manche, et la laine du tricot en était toute trempée.

Ses yeux tombèrent sur Pierre et Marthe étroitement enlacés. Réveillés de leur torpeur, ils échangeaient des propos tendres ; c’était leur tour, à eux, de vivre, d’être heureux, d’être jeunes.

Il faisait si bon sur ces eaux mortes qu’on ne se décidait pas à rentrer ce soir-là.

Soudain une flamme passa, errante, inquiète, animée d’une vie falote. Cela s’allongeait, se tordait, tournoyait entre les troncs vermoulus des saules.

Pierre dit :

— Ce sont les âmes des morts, ceux qui se sont noyés dans l’étang, qui reviennent.

Et tous eurent peur. Le vieux Dominique se hâta de regagner la rive. Pour couper au court, ils durent traverser des bras entiers, envahis de roseaux. Ils montaient droits et blancs, comme une forêt, et si hauts que les pêcheurs y disparaissaient tout entiers et qu’ils devaient se lever sur leurs bancs, pour s’orienter. Parfois le mur était si épais que la barque avait peine à l’entr’ouvrir, et qu’elle avait l’air de quitter la surface de l’étang, d’avancer sur les tiges drues, doucement repliées avec un craquement monotone.

D’instant en instant, de grands vols d’étourneaux s’abattaient de tous les coins du ciel assombri. Ils tour-