Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/193

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rante sous, et ils auraient ainsi de quoi souper. S’ils pensaient que la bête ne fût pas assez bien payée, ils lui offriraient la goutte, un jour où tout le monde se rencontrerait au marché ; on se revaudrait ça, pas vrai ; il tenait à ne pas être regardant, avec des amis qui lui avaient toujours rendu service.

Pierre donna la pièce blanche, et l’homme, sautant sur le talus, s’éloigna ; on entendit ses pas sonner sur les larges dalles du chemin de halage.

Puis la barque rentra dans la rivière, large comme une mer, au sortir de ces mortes. Et on eut plaisir à entendre dans la nuit le petit bruissement de l’eau courant le long du bordage.

On s’achemina à travers champs vers le village. Marthe portait le brochet suspendu à un brin de saule. Comme il était un peu lourd, la large queue traînait dans l’herbe. Par moments, il faisait encore un bond si brusque que Marthe le laissait tomber, prise de peur ; alors tout le monde riait, d’un bon rire.

Dans la maison de Marthe, on attendait depuis longtemps leur retour. On voyait, de loin, la porte entr’ouverte sur la nuit, la clarté paisible de la lampe rayant l’ombre.

On entra, et Pierre, ayant pris le brochet, le jeta sur la table.

— Tenez bon, fit-il, vous le mangerez à notre santé !

La mère Catherine joignit les mains, s’extasiant à la vue d’une si belle pièce. Puis elle eut une idée de brave femme. Elle acceptait le cadeau, mais à condi-