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abat-jour de porcelaine blanche. Il lui coupait du pain et remplissait son verre, et ces menus soins venant de lui avaient une signification tendre, une douceur toujours renouvelée.

Vers la fin du repas, Jacques Thiriet, qui était sorti avec un air de mystère, rapporta triomphalement de la cave une bouteille de vin vieux. C’était un vin vénérable, récolté dans les temps anciens, et qu’on gardait pour les grandes occasions. Quand le garde eut vidé la bouteille, en la penchant avec précaution, le verre apparut coloré par les sels que les vins déposent, quand ils se dépouillent.

C’était un vin doux et fort, qui coulait dans le gosier comme du miel, et qui, une fois bu, vous chauffait le ventre.

On porta une santé aux nouveaux époux. Tout le monde buvait avec recueillement et respect, ce respect que les paysans ont pour le vin vieux, qui est une chose bonne et qui vaut cher.

Les champs se revêtaient d’une parure mouvante.

C’est le moment de l’année où la forêt déroule ses masses de feuillage d’un vert lourd, presque noir. Au bord des eaux, les saules laissent retomber lourdement leurs branches, dans un abandonnement. Les prés, que l’on va faucher, s’étalent sous les soleils couchants comme une mer blonde, teintée de roux aux endroits où poussent les oseilles sauvages, dont les graines mûrissent prématurément. Les ombres des