Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/249

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le long du bordage avec un bruissement de chose vivante ; et parfois, tirant sur ses amarres, le bateau montait, se dérobait sous eux, oscillait lentement avec un bercement monotone, qui endormait leurs pensées.

La lumière du couchant dessinait de grandes ombres dans la prairie. Une vapeur rousse flottait sur les arbres ; toutes les odeurs des champs, roulant pêle-mêle dans le courant d’air vif qui passait sur le fleuve, apportaient à leurs sens une sorte de griserie ; de toutes ces choses, montait une volupté molle et défaillante, un frisson de désir, irritant et fugace, qui voltigeait partout sans se poser nulle part.

Ils ne se parlèrent plus, le cœur gonflé d’émotions. Le soleil, réverbéré sur les eaux, faisait courir le long des murs des moires chatoyantes. Au-dessus de leurs têtes, c’était comme un grand papillon lumineux, dont les ailes palpitaient.

Pierre le regardait fixement.

Tout à coup il sentit contre sa joue le frôlement de la joue de Thérèse. Il la prit dans ses bras et but longuement à ses lèvres, l’oubli, la volupté, le désir profond comme la mort.

Puis un brusque sursaut les jeta l’un sur l’autre, et il l’emporta dans l’ombre.

Des clartés pourpres flottèrent parmi les joncs. On n’entendait plus que le cri de la fauvette des roseaux, un cri rauque, qui montait dans le soir comme un chant de crapaud.