Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/250

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Ils se retrouvèrent, tous les soirs.

Blottie au coin d’un mur, obstrué de sureaux et de vignes vierges retombantes, elle l’attendait anxieusement, guettant le bruit de ses pas. Quand il arrivait, elle tombait dans ses bras avec un tel élan de passion, un tel abandon de toute sa personne, qu’il en était attendri. Elle lui répétait chaque fois qu’elle se traînait le long des jours, sans avoir de goût à rien, et qu’elle commençait à revivre, au moment où elle le revoyait.

Elle lui disait aussi :

— Je t’ai en moi, tu es tout pour moi, je t’aime plus que tout au monde.

Ils montèrent dans les petits sentiers qui grimpent à travers les vignes, allant parfois jusqu’à mi-côte, cherchant des refuges, dans les cabanes de pierre, que les vignerons construisent au milieu des enclos. Le fleuve lourd des ténèbres s’épaississait autour d’eux ; les coups du marteau-pilon ébranlaient les vieux monts, jusque dans leurs assises. D’autres fois ils traversaient la prairie à pas furtifs, trouvant dans les roseaux des cachettes dont ils avaient le secret. Un souffle humide, leur montant au visage, les avertissait du voisinage du fleuve.

D’étranges phosphorescences, qui les effrayaient, s’allumèrent au tronc pourri des vieux saules.

C’est ainsi qu’ils semèrent dans toute la contrée des souvenirs d’amour. Des places, où l’herbe était foulée, leur donnaient un choc au cœur, quand ils les revoyaient dans le grand jour.