Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/258

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Les deux pêcheurs s’avancèrent dans l’intérieur des terres. Alors un pays différent se révélait.

Ce n’était plus la gaieté ensoleillée des pampres, revêtant le flanc des coteaux d’une belle couleur d’émeraude, ni les toits de tuiles rouges, tranchant sur le feuillage des vergers. Les coteaux s’aplanissant et coulant vers l’horizon dans une fuite bleuâtre, un pays plat s’étendait à perte de vue, un pays de maigres cultures où des champs de luzerne alternaient avec des carrés de betteraves. La moisson terminée, les tiges des avoines et des blés revêtaient le sol d’une toison hérissée.

Ce fut, cette fois, la Lorraine ingrate, celle dont la nudité revêt aux yeux habitués un âpre accent de misère et de sauvage poésie, celle qui ne lasse pas avec ses landes pierreuses, ses maigres friches, ses peupliers grêles rangés en lignes parallèles, ondulant à l’horizon.

Les villages ressemblaient à cette terre, étant nus et pauvres comme elle.

On y respirait partout un air de désolation et de détresse. Où étaient les villages de vignerons avec leurs maisons propres, leurs fenêtres garnies de treilles, leurs jardinets clos de haies vives où montent des poiriers en quenouille et des pommiers à haut vent ? Ici, de grandes bâtisses qui ressemblaient à des prisons ou à des casernes. Des gerbières s’ouvraient, laissant passer des monceaux de paille sèche ; des chats maigres y rôdaient, poussant des miaulements lamentables,