Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/262

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doigts, et ses yeux noirs prirent un air de supplication muette.

Le sourire étrange flotta autour de ses lèvres, ce sourire fait de tranquille fierté qui, s’adoucissant parfois, promettait des choses vagues, infiniment tendres.

Pierre vaincu balbutia :

— Mais oui, on verra… On finira par s’entendre.

Le vieux reprit, brutal :

— Faudra voir à se décider bientôt. Le chargement du bateau est prêt, et si mon offre ne vous convient pas, on verrait à s’adresser ailleurs.

Et Pierre se décida tout à coup, pour s’enlever le temps de la réflexion.

— C’est dit, j’accepte. Faudra que j’informe mon père.

Alors le vieux devint subitement loquace, comme si la contrainte s’était levée, qui pesait sur ses paroles, les faisait rares et précautionneuses. Il parlait, il parlait, tourné vers sa fille, qui s’était penchée à nouveau sur son ouvrage.

— V’là qu’est dit, fit-il, en manière de conclusion, et faudrait voir à ne pas s’dédire. On ne fait ni une ni deux, et chose arrangée doit tenir bon. On ne sera pas regardant sur les gages, et plus tard on verra à faire d’autres arrangements, si l’existence ne vous déplaît pas.

Il avait un hochement de tête, comme pour approuver des combinaisons, qu’il édifiait à part lui.

Il reprit :

— Je m’disais aussi : v’là un garçon rangé et travailleur qui ferait bien not’affaire. Ça vaut de l’or, des hommes comme ça. Ah ! vous en aurez du bon temps avec nous, au lieu de crever d’faim, dans vot’ pays de misère.