Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/294

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ravissante, flottant sur les murs blancs, éveillait dans le silence la danse impalpable des atomes : les dormeuses s’étirèrent, en se frottant les yeux avec des bâillements. Toutes sortes de bruits montaient de la rue. Des coqs chantaient d’une voix enrouée, au fond des basses cours ; un faucheur se mit à battre sa faux : le martellement clair de l’acier sonnait comme un carillon. Tout à coup la poulie du vieux puits se mit à tourner avec ce grincement mélancolique, que Marthe avait aimé et qu’elle n’entendrait plus. C’était la vie qui continuait, joyeuse, superbe, indifférente.

Le garde descendait la côte du Grand-Écart, à travers les vignes. C’était comme si quelque chose s’était brisé en lui, cette foi dans la vie qui fait que les êtres s’y attachent, s’y cramponnent, et gardent l’espoir à travers les épreuves.

Une cloche sonna. Le glas lent et mesuré montait dans la campagne, comme une lamentation solitaire.

Il se mit à parler tout haut, comme on parle aux heures d’égarement :

— C’est pour ma fille qu’on sonne. Si jamais on m’avait dit ça ! Qu’est-ce que j’ai bien pu faire au bon Dieu ?

Toujours il avait songé qu’elle serait là, quand il mourrait, pour lui fermer les yeux, car c’est la loi que les plus vieux s’en vont et que les jeunes les poussent, les talonnent, et restent là pour causer d’eux, quelquefois, aux heures rares du souvenir.

Il s’assit sur le bord du chemin, ses jambes s’effon-