Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/54

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Pierre, assis à côté de Marthe, se répandait en menues attentions, mettant à ces soins une aisance d’homme bien élevé.

Marthe s’abandonnait à la douceur du moment ; elle se prenait à aimer ce vieux logis, ces meubles anciens. Une poussière de farine, s’insinuant à travers les cloisons, s’était déposée sur le fronton des armoires, sur le manteau de la cheminée. Le vin lui montant à la tête, elle se sentait un peu étourdie et entendait comme dans un rêve le bruissement du ruisseau dont le flot glissait sous le plancher, fuyait le long des murs, emplissait le logis de son murmure monotone.

Le meunier les dévisageait, plein d’une bonhomie souriante.

Un gros homme, encore vert, une bonne trogne lorraine bien nourrie, ayant dans tous ses gestes la décision de l’homme bien posé. Il adressait à Pierre des clignements d’yeux complices : sacré mâtin, il n’avait pas dû s’embêter en faisant la route.

Marthe rougissait, mais l’hommage la ravissait, malgré sa brutalité.

Elle eut une gentillesse si charmante pour remercier Pierre d’une attention, que le meunier attendri lui cria :

— Bougre de Jean-Jean, embrasse-la donc.

Pierre s’exécuta, pendant que l’assistance battait des mains.

Maintenant on soufflait un peu. Une servante étalait le dessert sur la table, les quiches aux « quetsches » dont le jus coulait parfumé, les gâteaux à la croûte dorée et craquante, les tartes aux pommes, larges comme des fonds de tonneau et dont la pâte avait un goût fin de cannelle. Et pour faire descendre ces bonnes choses, on