Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/65

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dit avec simplicité à l’infirme, comme si la proposition était toute naturelle :

— Qu’est-ce que vous allez devenir ? Vous n’avez plus personne au monde, et votre patron ne vous donnera pas une grosse indemnité, pour sûr. Alors faut rester avec nous, vous ferez cuire not’ soupe.

La chambre était chaude, le poêle se mit à ronfler plus fort.

L’infirme accepta, ne trouvant pas de mots pour traduire sa reconnaissance. Ce fut entre les deux vieux un silence émouvant, plein de choses inexprimables.

Sur le coup de midi, les deux pêcheurs étaient venus s’installer, pour casser une croûte, près du barrage de Gare-le-Cou. Le froid rigoureux des jours précédents s’étant adouci, un étroit chenal s’était ouvert dans les glaces, et la navigation recommençait, ramenant un peu de vie sur le fleuve.

L’eau coulait de nouveau, et le bruissement monotone des nappes glissant entre les fermettes du barrage, se brisant sur les enrochements, le bruit familier emplissait le val de sa grande rumeur, de la voix des eaux enfin délivrées.

Le père et le fils s’étaient accroupis à l’angle d’une petite maison de pierre, située à l’extrémité du déversoir, où le barragiste enfermait des gaffes, des outils, des engins de batellerie. Protégés par le mur de l’aigre vent du nord, ils jouissaient d’un moment de repos, tandis qu’un rayon de soleil filtrant à travers la nue, chauffait les dalles blanches à leurs pieds, semait des