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minuscules d’où sortait un filet de fumée qui allait s’accrocher aux sapins aigus de la côte.

Comme il aurait fait bon vivre dans ces maisons !

Au tournant de la côte, ils prenaient le vent, et déployaient des voiles brunes qui tantôt se gonflaient et tantôt retombaient, flasques, le long du mât, dans les sautes brusques des souffles…

Puis ils disparaissaient : on ne voyait plus que les banderoles éclatantes de leurs mâts, flottant parmi les cimes grêles des peupliers.

Pierre les suivait des yeux.

Où allaient-ils ? Il enviait le sort des mariniers qui couraient pieds nus sur les ponts goudronnés. Comme il aurait voulu être le patron, l’homme qui, les bras croisés sur sa poitrine, poussait de la hanche la barre du gouvernail, guidant le chaland dans les remous, tandis que sa femme, ses enfants se déplaçaient avec lui, emportés dans ce logis flottant avec une lenteur balancée ! Le pays changeait incessamment autour d’eux. Ils partaient pour des destinations inconnues, pour des endroits que Pierre ne verrait jamais ! La barre du gouvernail tournait, faisait entendre un grincement mélancolique. La voile brune palpitait, parcourue d’un frémissement, d’une agitation de vie.

Ils passaient. Pierre s’abîmait dans sa contemplation désolée. Jamais la vallée ne lui avait paru si déserte, et la vie si monotone.

Marthe ce soir-là montait la côte à pas lents.

Elle allait reporter de l’ouvrage qu’on lui avait