Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/82

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L’église était sa maison. Présidente de la congrégation, elle apparaissait, aux jours de cérémonie, la poitrine barrée de larges rubans bleus. Elle ornait de fleurs l’autel, lavait les linges sacrés, portait la bannière de la confrérie dans les processions. Toute sa vie se traînait, pâle et décolorée, exhalant un parfum d’ascétisme et d’encens, comme une plante qui aurait poussé entre les dalles du sanctuaire.

Dorothée hochait la tête sentencieusement, quand la vieille fille passait :

— V’là Célestine qui va à la messe. Ça la console, d’aimer le bon Dieu.

Et elle racontait l’histoire de Célestine, donnant des détails. Elle avait aimé un garçon du village, mais ses parents s’étaient opposés au mariage, à cause de la différence des fortunes. Célestine avait voulu se jeter à l’eau un soir : on l’avait repêchée ; mais depuis ce temps, elle avait refusé tous les partis qui se présentaient, et l’âge lui venant, elle était tombée dans la dévotion.

Marthe réfléchissait : ainsi donc son aventure n’était pas extraordinaire. D’autres avaient souffert les mêmes peines. Mais il fallait lutter, se raidir, pour conquérir son bonheur, échapper à cette faillite d’une existence. Et des projets se formaient en elle, dont elle remettait l’exécution au moment où Pierre rentrerait au pays.

Puis l’oubli fit lentement son œuvre consolante. Elle l’excusait : c’était presque naturel, ce départ précipité. Il n’avait pas trouvé le temps de la prévenir, et puis aucune parole décisive n’avait été prononcée. Elle saurait se faire aimer encore ! Une douceur descendait en elle, qui fondait toutes ses craintes, lui laissait le seul