Page:Mousseau - L'envers du journalisme, 1912.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
23
L’ENVERS DU JOURNALISME

« il faut surtout s’attacher à rapporter les incidents et les choses en dehors de l’ordinaire. Les accusés qui plaident coupables et qu’on condamne sans autre forme de procès ne méritent pas qu’on s’occupe d’eux, à moins que leur délit soit d’une nature extraordinaire ou ait été commis dans des circonstances tout à fait particulières. »

C’était une leçon de journalisme que Martin écoutait avec attention. — Lemire aurait pu en dire bien plus long sur ce sujet.

Il aurait pu dire que la cour du recorder, c’est la pierre de touche pour éprouver la capacité et les aptitudes d’un commençant dans le journalisme, qu’on trouve là un monde en raccourci capable de fournir la matière de toutes les nouvelles, gaies, tristes, extraordinaires, cocasses ou touchantes, et que celui qui assiste aux séances de cette cour et rapporte bien ce qui s’y passe est doué du don d’observation nécessaire pour faire un bon reporter et peut entreprendre n’importe quel travail.

Dorion savait bien ce qu’il faisait en envoyant Martin là.

Le recorder n’était pas encore sur le banc, quand Martin vint prendre place aux côtés des autres journalistes. Il s’assit, trépidant d’émotion, entre deux reporters qui le coudoyaient avec une indifférence plutôt dédaigneuse, et il attendit.

Un à un, les officiers de la cour arrivèrent ; les policiers vinrent attendre leur tour de rendre des témoignages « accablants et précis » contre les accusés qui étaient parqués dans une pièce adjacente ; les témoins, les curieux et les flâneurs envahirent l’espace libre, et, finalement, le recorder fit son en-