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L’ENVERS DU JOURNALISME

heures, au moment où les journaliers commenoent leur travail et à l’heure à laquelle il avait autrefois habitude de sortir du lit.

Oui, c’était, en vérité, un changement du tout au tout.

Il l’aceptait cependant en philosophe et s’occupait à faire de son mieux le travail qui lui était confié, sans se livrer à des regrets inutiles.

Il faut dire aussi qu’on n’a guère le loisir de s’apitoyer sur son propre sort, quand on est reporter : on a tout juste le temps de raconter les heurs et malheurs des autres.

Le chroniqueur des événements quotidiens doit courir ici et là, partout à la fois et pourtant revenir au journal à l’heure fixée pour donner la copie. Il lui faut se dédoubler en quelque sorte, tout observer sans s’émouvoir et sans se permettre d’autre geste que celui du crayon sur le papier, puis revenir raconter, en tâchant d’y mettre de la vie, les événements dont il a été le témoin impassible. Il est toujours à la course, car il faut faire vite, tout dire et arriver à temps. Il est trop occupé à observer les autres pour pouvoir s’observer lui-même.

Il devient une machine à prendre des notes et à raconter des faits divers, heureux quand il peut demeurer au-dessus du métier qu’il fait et ressaisir quelques bribes de son intelligence, une fois la journée faite.

Martin traversait la période la plus déprimante, celle où le journaliste nouveau, mis à l’essai, est surchargé et accablé des besognes les plus diverses : euchres, assemblées, fêtes de charité ou autres. Après