Page:Mousseau - L'envers du journalisme, 1912.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
110
L’ENVERS DU JOURNALISME

hâte, à l’heure du lunch, travaux qui n’étaient ensuite publiés que plusieurs jours après, — quand toutefois ils l’étaient. Lachapelle aurait pu raconter cela et une foule d’autres petites persécutions, car s’il est vrai que l’homme est le loup de l’homme — homo hominis lupus, — le journaliste est trop souvent doublement homme.

Pourquoi en est-il ainsi ? Pourquoi faut-il qu’aux misères du métier de reporter viennent s’ajouter les ennuis créés volontairement et de propos délibéré par d’autres journalistes ? — Pour de multiples raisons, dont les unes tiennent à la situation inférieure qui est faite aux journalistes et dont les autres proviennent de causes extérieures.

Le reporter, mal payé, est obligé de frayer avec la canaille et les honnêtes gens. Les canailles n’ont pas de considération pour lui, parce qu’il ne gagne pas plus cher qu’eux, et les honnêtes gens le méprisent, parce qu’il ne gagne pas cher. Il travaille ainsi pendant des années, insulté par les uns et bafoué par les autres. Quand une promotion lui arrive, il a le caractère tellement aigri que, presqu’à son insu, par habitude, il traite ses camarades comme il était traité avant d’être au-dessus d’eux.

Que survienne une circonstance où un reporter a à faire un compte rendu un peu délicat, et les gens qui ont des intérêts opposés dans l’affaire dont il a à parler exigent qu’il fasse un compte rendu qui leur soit favorable. Le côté qu’il a favorisé malgré lui, en rapportant simplement les choses telles qu’elles sont, ne lui en a aucune reconnaissance et l’abandonne sans défense à la rancune de l’autre fac-