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il adressa à l’escadre de l’amiral Brueys, stationnée dans l’Adriatique, la proclamation suivante : « Camarades, dès que nous aurons pacifié le continent ; nous nous réunirons à vous pour conquérir la liberté des mers. Sans vous, nous ne pouvons porter la gloire du nom français que dans un petit coin du continent ; avec vous, nous traverserons les mers, et la gloire nationale verra les régions les plus éloignées. »

À son retour de l’inspection des côtes de l’Océan, bien convaincu de la nullité du commandement qu’on lui avait donné sous le nom de général de l’armée d’Angleterre, et comprenant fort bien qu’il serait presque impossible d’étendre la guerre sur le territoire de cette puissance, entourée quelle est de mers de tous côtés, il conseilla au Directoire de l’attaquer dans ses possessions de l’Inde, contre lesquelles il serait long sans doute, mais aisé pourtant de mener une armée par terre. Pour convaincre les Directeurs, il leur cita l’exemple d’Alexandre qui, parti d’une province d’Europe, avait conduit, à travers des peuples redoutables, ses armes victorieuses jusqu’aux bouches du Gange. La France, bien autrement puissante que l’antique Macédoine, n’avait pas, disait-il, à craindre d’être traitée de téméraire en imitant l’exemple d’Alexandre ; il lui était très-facile de porter une armée en Égypte, de faire la conquête de ce pays, et de se rendre, par l’isthme de Suez en Asie, et de là dans les contrées que les Anglais possèdent dans l’Inde.


VI. Égypte.

Le bruit court tout à coup que 40.000 hommes de troupes de terre et 10.000 marins sont réunis dans les ports de la Méditerranée ; qu’un armement immense se préparé à Toulon : 13 vaisseaux de ligne, 14 frégates, 400 bâtiments sont équipés pour le transport de cette nombreuse armée, dont la destination est toujours un mystère impénétrable : Où va-t-elle ? on ne sait. Pourquoi la commission des sciences et des arts a-t-elle envoyé à Toulon cent de ses membres pris dans chacune de ses classes ? Aurait-on l’intention d’aller fonder une colonie dans quelque terre éloignée ?

Le général en chef avait sous ses ordres Berthier, Caffarelli, Kléber, Desaix, Lannes, Damas, Murat, Andréossi, Belliard, Menou et Zayonscheck, etc. Parmi ses aides-de-camp on remarquait son frère Louis, Duroc, Eugène Beauharnais, le noble polonais Sulkowski.

La grande flotte de Toulon avait reçu les escadres de Gênes, de Civita-Vecchia, de Bastia ; elle était commandée par l’amiral Brueys et les contre-amiraux Villeneuve, Duchayla, Decrès et Gantheaume.

On était sur le point d’appareiller et de partir, lorsqu’un incident de peu d’importance réelle vint tout suspendre et tout arrêter : le drapeau tricolore arboré sur le palais de France, dans la capitale de l’Autriche, par Bernadotte, ambassadeur de la République, avait donné lieu à un tumulte dans lequel le caractère de l’ambassadeur se trouvait outragé, et Bernadotte avait quitté Vienne. Les avantages reconnus par le traité de Campo-Formio étaient donc remis en question, et une paix glorieuse, obtenue après tant de combats et de sacrifices, semblait rompue où l’on se flattait de la voir affermie pour longtemps.

Dans la crainte d’une rupture avec l’empereur, le Directoire ne vit qu’un homme, Bonaparte, qu’il fût prudent de lui opposer. Cependant, après quelques explications, les affaires s’arrangèrent et la paix fut maintenue. Bonaparte eut ordre de se rendre à Toulon le plus tôt possible.