Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, I.djvu/112

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On prétend que, dans une conférence orageuse qu’il eut avec le Directoire, il menaça de donner sa démission, et que le directeur Rewbell, lui présentant la plume, lui dit : Signez-la, général.

Bonaparte partit, et il arriva à Toulon le 9 mai. Dix jours après, au moment de s’embarquer, s’adressant particulièrement à ses braves de l’armée d’Italie, il leur dit : Soldats ! vous êtes une des ailes de l’armée d’Angleterre. Vous avez fait la guerre des montagnes, des plaines et des sièges ; il vous reste à faire la guerre maritime. Les légions romaines, que vous avez quelquefois imitées, mais pas encore égalées, combattaient Carthage tour à tour sur cette même mer et aux plaines de Zama. La victoire ne les abandonna jamais, parce que constamment elles furent braves, patientes à supporter les fatigues, disciplinées et unies entre elles… Soldats, matelots, vous avez été jusqu’à ce jour négligés ; aujourd’hui, la plus grande sollicitude de la République est pour vous… Le génie de la liberté, qui a rendu, dès sa naissance, la République, arbitre de l’Europe, veut qu’elle le soit des mers et des nations les plus lointaines. Le jour de son arrivée, il leur avait dit : Je promets à chaque soldat qu’au retour de cette expédition, il aura à sa disposition de quoi acheter six arpents de terre.

L’armée, pleine de confiance dans les talents de son général, s’embarqua avec joie ; vingt jours après, on était devant Malte. Bonaparte n’avait certainement aucune raison légitime pour attaquer et prendre cette île de vive force ; il en allégua de futiles, et, grâce au peu d’attachement que la population avait conservé pour les chevaliers, il suffit de quelques coups de canon pour faire tomber la redoutable forteresse de Lavalette au pouvoir des Français ; ce qui fit dire au général Casa-Bianca : « Il est fort heureux qu’il se soit trouvé quelqu’un ici pour nous ouvrir les portes de cette place. » Bonaparte s’empara de Malte par la raison du plus fort, et surtout à cause de son importante position dans la Méditerranée.

Avant de quitter cette île, le général en chef fit mettre en liberté les captifs mahométans qui languissaient dans les bagnes de la religion. Il y avait dans cet acte, au moins autant de politique que d’humanité : on allait combattre contre des Musulmans, il fallait, autant que possible, se les rendre favorables par des procédés généreux. Treize jours après le départ de Malte, la flotte était en vue d’Alexandrie. Avant le débarquement, qui se fit immédiatement, le général avait adressé cette proclamation à son armée : « Les peuples avec lesquels nous allons vivre sont mahométans ; leur premier article de foi est celui-ci : Il n’y a d’autre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète. Ne les contredites pas ; agissez avec eux comme vous avez agi avec les Juifs, avec les Italiens ; ayez des égards pour leurs muphtis et pour leurs imans, comme vous en avez eu pour les rabbins et les évêques. Ayez pour les cérémonies que prescrit l’Alcoran, pour les mosquées, la même tolérance que vous avez eue pour les couvents, pour les synagogues, pour la religion de Moïse et celle de Jésus-Christ. Les légions romaines protégeaient toutes les religions. Vous trouverez ici des usages différents de ceux de l’Europe, il faut vous y accoutumer. Les peuples chez lesquels nous allons, traitent les femmes différemment que nous ; mais dans tous les pays celui qui viole est un monstre. Le pillage n’enrichit qu’un petit nombre d’hommes ; il nous déshonore, il détruit nos ressources ; il nous rend ennemis des peuples qu’il est de notre intérêt d’avoir pour amis. La première ville que nous allons rencontrer