Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, I.djvu/117

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en comble !) est une nation d’infidèles obstinés et de scélérats sans frein… Ils regardent le Coran, l’Ancien Testament et l’Évangile, comme des fables… Dans peu, des troupes aussi nombreuses que redoutables s’avanceront par terre, en même temps que des vaisseaux aussi hauts que des montagnes couvriront la surface des mers… Il vous est, s’il plaît à Dieu, réservé de présider à leur entière destruction (des Français) ; comme la poussière que les vents dispersent, ils ne restera plus aucun vestige de ces infidèles : car la promesse de Dieu est formelle, l’espoir du méchant sera trompé, et les méchants périront. Gloire au Seigneur des mondes ! »

Bonaparte, toujours plus grand que le danger, n’est point déconcerté par l’orage qui le menace de toutes parts ; par ses ordres, les Arabes sont repoussés dans le désert ; l’artillerie est braquée tout autour de la ville rebelle ; il poursuit lui-même les révoltés de rue en rue, et les oblige à se concentrer dans la grande mosquée ; il a la générosité de leur offrir leur pardon, ils le refusent, et persistent dans leur obstination : par bonheur pour les Français, le ciel se couvre de nuages, le tonnerre gronde ; ce phénomène est fort rare en Égypte, les Musulmans, ignorants et superstitieux, le considèrent comme un avertissement du ciel, et ils implorent la clémence de leurs ennemis : « Il est trop tard, leur fait répondre Bonaparte ; vous avez commencé, c’est à moi de finir. » Et, tout de suite, il ordonne à ses canons de foudroyer la mosquée. Les Français en brisent les portes et s’y introduisent de vive force : animés par la fureur et la vengeance, ils font un carnage affreux des malheureux Égyptiens.

Redevenu le maître absolu de la ville, le général en chef fit rechercher les auteurs et les instigateurs de la révolte. Quelques cheicks, plusieurs Turcs ou Égyptiens, convaincus d’avoir trempé dans le complot, furent exécutés ; pour compléter le châtiment, la ville fut frappée d’une forte contribution, et son Divan fut remplacé par une commission militaire.

Afin d’atténuer les effets produits par le firman du Grand Seigneur, on afficha dans toutes les villes de l’Égypte une proclamation qui se terminait ainsi : « Cessez de fonder vos espérances sur Ibrahim et sur Mourad, et mettez votre confiance en celui qui dispose à son gré des empires et qui a créé les humains. » Le plus religieux des prophètes a dit : « La sédition est endormie ; maudit soit celui qui la réveillera ! » La révolte en effet ne se réveilla plus tant que Bonaparte resta en Égypte.

Se voyant de nouveau tranquille possesseur de sa conquête, il profita de ce temps de repos pour aller visiter le port de Suez et s’assurer de ses propres yeux de la possibilité d’un canal creusé, disait-on, dans l’antiquité, par ordre des Pharaons, et qui faisait communiquer la mer Rouge avec la Méditerranée. Avant de partir pour cette expédition, il rendit aux habitants du Caire, comme gage de pardon, leur gouvernement national ; un nouveau Divan, composé de soixante membres, remplaça la commission militaire.

Puis, accompagné de ses collègues de l’Institut, Berthollet, Monge,le père Dutertre, Costaz, Caffarelli, et suivi d’une escorte de 300 hommes, il prit le chemin de la mer Rouge, et trois jours de marche dans le désert suffirent à cette caravane pour arriver à Suez. Après avoir donné des ordres pour compléter les fortifications de la place, Bonaparte traverse la mer Rouge à cheval, et va reconnaître en Arabie les célèbres fontaines de Moïse. À son retour, surpris par la marée montante,