Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, I.djvu/147

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à son entrée, Napoléon fit manœuvrer le 8e corps et toute la droite pour tourner la dernière position des Russes ; il ordonna à la garde et à toute la cavalerie de soutenir ce mouvement. Eugène se porta en avant de la Kalogha, et dès ce moment la victoire se déclara en notre faveur. À la tombée de la nuit, l’ennemi opéra sa retraite en bon ordre vers Mojaïsk, laissant sur le champ de bataille 55.000 hommes hors de combat, dont 50 généraux et 70 pièces de canon. La perte des Français est évaluée à 20.000 hommes tués ou blessés ; ils ont, en outre, à regretter 2 généraux de division et 6 généraux de brigade.

Cette bataille de la Moscowa est la plus terrible qui ait été livrée dans les temps modernes. Les deux armées firent également leur devoir. On croit que pendant l’action il fut tiré 120.000 coups de canon ! L’Empereur resta sur le champ de bataille, donnant des ordres pour faire transporter les blessés, tant russes que français, dans les hôpitaux établis sur ses lignes de retraite.

L’armée victorieuse se met à la poursuite des Russes. Napoléon transporte son quartier général à Mojaïsk, ville située à vingt-six lieues ouest de Moscou, à laquelle l’ennemi, forcé de l’abandonner précipitamment, avait mis le feu. Le 14 (2 heures après midi), l’Empereur fit son entrée dans l’ancienne capitale de la Moscovie, avec sa garde et le premier corps. Le lendemain il s’établit au Kremlin, palais des czars, situé au milieu de la ville. Le maréchal Mortier fut nommé gouverneur de cette capitale, avec ordre d’employer tous les moyens pour empêcher le pillage. Des secours furent donnés aux blessés russes qui encombraient les hôpitaux, ainsi qu’aux Moscovites qui n’avaient pas voulu suivre l’armée de Kutusoff.

Cependant les Russes, dans leur désespoir, ont formé le dessein de brûler leur antique capitale : les pompes ont été transportées hors de la ville ; on fait provision de fusées, de matières inflammables. À un signal donné, le feu éclate dans mille endroits à la fois. C’est en vain que les Français font tous leurs efforts pour éteindre l’incendie : le ravage des flammes ne s’arrête que dans la soirée du 20 septembre, lorsque les neuf dixièmes de la ville sont en cendres : près de 4.000 maisons en pierre et 7.000 en bois, 20.000 malades ou blessés sont victimes de ce désastre.

Un armistice avait été accordé aux Russes, et Napoléon, au milieu de ses triomphes, fit proposer la paix à Alexandre : il en reçut des réponses évasives, qui, néanmoins, faisaient espérer qu’on pourrait tomber d’accord. Mais Napoléon et Alexandre ne voulaient que gagner du temps, Napoléon pour recompléter son armée, Alexandre parce qu’il était persuadé que les grands froids qui approchaient obligeraient les Français à évacuer l’empire. Les événements justifièrent leurs prévisions.

Le 18 octobre, la retraite commença. Napoléon sortit de Moscou le 19, et donna l’ordre à Mortier d’abandonner le Kremlin le 23, après l’avoir fait sauter, lui recommandant surtout de ne laisser en arrière ni blessés, ni malades. Dans sa marche rétrograde, l’armée est vivement harcelée par l’ennemi ; on en vient souvent aux mains ; mais aucun obstacle ne peut arrêter les Français. Le 7 novembre, ils atteignent Smolensk. C’est alors que commencent ces froids excessifs cent fois plus redoutables que les armes des Russes ; le thermomètre centigrade descend jusqu’au 22e degré ; le sol se couvre de neige ; les chevaux périssent par milliers au bivouac ; bientôt les hommes ont un sort pareil. Cependant, grâce aux bonnes dispositions de Napoléon, l’armée