Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, I.djvu/166

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une belle position de l’autre côté de la Loire ? » Napoléon est d’avis de se mettre en marche tout de suite vers les provinces méridionales. La plupart des assistants gardent le silence, ceux qui osent prendre la parole lui font observer combien sont formidables les armées de ses ennemis ; l’éloignement de l’armée du Nord, et les distances qui séparent d’elles-mêmes les armées du Midi. Il réfute toutes ces objections et persiste dans son projet. On lui fait entendre alors que dans ce cas il pourrait bien se faire qu’il devînt lui-même l’auteur et l’objet d’une guerre civile ; à ces mots de guerre civile il change subitement de résolution : « Eh bien ! dit-il ; puisqu’il me faut renoncer à défendre plus longtemps la France, l’Italie n’est-elle pas une retraite digne de moi ? Veut-on m’y suivre encore une fois ? Marchons vers les Alpes.

Cette invitation fut accueillie par un morne silence : « Vous voulez du repos, s’écria vivement l’Empereur, ayez-en donc. Hélas ! vous ne savez pas combien de chagrins et de douleurs vous attendent sur vos lits de duvet. Quelques années de cette paix que vous allez payer si cher en moissonneront entre vous un plus grand nombre que n’aurait fait la guerre. » L’événement justifia cette prédiction ; en peu d’années ia mort enleva douze des maréchaux qui avaient été présents à cette réunion.

Enfin Napoléon, convaincu qu’il ne pouvait plus compter sur le dévouement de ses lieutenants, consentit à signer l’acte d’abdication qui suit :


« Les puissances alliées ayant proclamé que l’empereur Napoléon était le seul obstacle au rétablissement de la paix en Europe, l’empereur Napoléon, fidèle à son serment, déclare qu’il renonce, pour lui et ses héritiers, aux couronnes de France et d’Italie, et qu’il n’est aucun sacrifice personnel, même celui de la vie, qu’il ne soit prêt à faire à l’intérêt de la France.

« Fait au palais de Fontainebleau, le 11 avril 1814.

« NAPOLÉON. »


Cet acte, ainsi rédigé, satisfit les souverains coalisés, et Napoléon annonça de la manière suivante à ceux qui l’entouraient qu’il avait pris son parti.

« Maintenant que tout est termine, puisque je ne puis rester, ce qui vous convient le mieux, c’est la famille des Bourbons. Moi, je ne pouvais garder la France autre qu’elle était quand je l’ai prise. Louis ne voudra pas attacher son nom à un mauvais règne ; s’il fait bien il se mettra dans mon lit, car il est bon. Le roi aura beaucoup à faire avec le faubourg Saint-Germain. S’il veut régner longtemps, il faut qu’il le tienne en état de blocus. Si j’étais de Louis XVIII je ne conserverais pas ma garde, il n’y a que moi qui puisse la manier. À présent, Messieurs, que vous avez un autre gouvernement, il faut vous y attacher franchement, je vous y engage, je vous l’ordonne même. »

Pourtant il refuse de souscrire au traité de Paris, par lequel ses plénipotentiaires viennent de conclure un armistice avec les alliés, « À quoi bon ce traité, dit-il, puisqu’on ne veut pas régler avec moi ce qui concerne la France ? Du moment qu’il ne s’agit plus que de ma personne, il n’y a plus de traité à faire. Je suis vaincu, je cède au sort des armes. Seulement je demande à n’être pas prisonnier de guerre, et pour me l’accorder un simple cartel doit suffire : d’ailleurs il ne faut pas une grande place pour enterrer un soldat.

La défection des courtisans suivait son cours ; la désertion décimait incessamment l’armée, qui, travaillée par toutes sortes de moyens et d’intrigues, commençait à se persuader que c’en