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que les rois avaient envoyés à Sainte-Hélène pour surveiller sa conduite, ses démarches. Il n’eut aucun rapport avec le gouverneur sir Hudson- Lowe, qu’il accabla de ses dédains : c’est que, à l’égard de son illustre captif, sir Hudson-Lowe avait outrepassé, dans ses rigueurs, les ordres qu’il avait reçus de son gouvernement ; il refusait à Napoléon la qualification d’Empereur, et l’appelait tout simplement Général. Le maréchal Bertrand proposa la dénomination de patient ; cette expression, si énergiquement vraie, fut agréée par le gouverneur.

« La maladie dont Napoléon est mort, dit un de ses biographes, est la maladie de Sainte-Hélène. Il n’a pas été malade sept semaines, comme le dit la dépêche du gouverneur sir Hudson-Lowe, il a été malade pendant cinq ans. La correspondance et la relation de son chirurgien, le docteur O’Méara, prouvent que Napoléon était déjà dangereusement malade en 1818. »

Le 28 octobre de la même année, O’Méara écrivait au secrétaire de l’amirauté : « Je pense que la vie de Napoléon Bonaparte est en danger, s’il réside plus longtemps dans un climat tel que celui de Sainte-Hélène ; surtout si les périls de ce séjour sont aggravés par la continuité de ces contrariétés et de ces violations, auxquelles il a été jusqu’à présent assujetti, et dont la nature de sa maladie le rend particulièrement susceptible d’être affecté17. ».

Dans une lettre au comte Bathurst, O’Méara écrivait en juin 1820 :

« Un temps bien court a trop malheureusement justifié mon opinion. Cette opinion était que la mort prématurée de Napoléon était aussi certaine, sinon aussi prochaine, si le même traitement était continué à son égard que si on l’avait livré au bourreau. »

Le 17 mars 1821, le comte de Montholon écrivait à la princesse Borghèse « que la maladie de foie dont Napoléon était attaqué depuis plusieurs années, et qui est endémique à Sainte-Hélène, avait fait depuis six mois des progrès effrayants ; qu’il ne pouvait marcher dans son appartement sans être soutenu. À sa maladie de foie se joint une autre maladie également endémique dans cette île. Les intestins sont gravement attaqués. M. le comte Bertrand a écrit au mois de septembre à lord Liverpool, pour demander que l’Empereur soit changé de climat. Le gouverneur, sir Hudson-Lowe, s’est refusé à faire passer cette lettre à son gouvernement, sous le vain prétexte que le titre d’Empereur y était donné à Sa Majesté. L’Empereur compte sur Votre Altesse pour faire connaître à des Anglais influents l’état véritable de sa maladie. Il meurt sans secours sur ce rocher ; son agonie est effrayante. »

Napoléon fut toujours grand et maître de lui jusqu’au bout ; il souriait de compassion à ceux qui doutaient de sa fin prochaine. « Pourriez-vous joindre cela ? » disait-il à M. Moukhonse, officier anglais, après avoir rompu le cordon de la sonnette de son lit : « Aucun remède ne peut me guérir, mais ma mort sera un baume salutaire pour mes ennemis. J’aurais désiré revoir ma femme et mon fils, mais que la volonté de Dieu soit faite !… Il n’y a rien de terrible dans la mort ; elle a été la compagne de mon oreiller pendant ces trois semaines, et, à présent, elle est sur le point de s’emparer de moi pour jamais… Les monstres me font-ils assez souffrir ! encore, s’ils m’avaient fait fusiller, j’aurais eu la mort d’un soldat… J’ai fait plus d’ingrats qu’Auguste : que ne suis-je comme lui en situation de leur pardonner ! »