Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, I.djvu/256

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un jour, en mauvais costume d’écolier, des alpagattes aux pieds et un bâton à la main.

Comme il annonça qu’il savait écrire, on le fit caporal, et les armes manquant on lui donna un fusil de chasse. Les bandes carlistes furent bientôt attaquées par le général Berton, à la Pedrera, en face de Morella.

La jeune recrue montra une véritable bravoure dans cette dernière affaire, et reçut pour récompense le grade de sergent. On avance, vite au commencement des insurrections, et les premiers venus, en courant les grands dangers, ont aussi les plus belles chances.

La vie militaire de Cabrera n’eut de durée que celle de la guerre civile. On a raconté diversement son début. On prétend, par exemple, qu’un jour il se présenta au quartier général de don Carlos (le prétendant), et demanda à lui remettre des dépêches importantes. Ces dépêches, il les avait enlevées à un courrier chargé de les porter au gouvernement de Madrid. Le malheureux courrier avait été assassiné.

Mina, usant de représailles, fit arrêter à Tortose la vieille mère de Cabrera et ses trois sœurs et les fit mettre à mort (1836).

Ayant quitté l’armée carliste avec un certain nombre de soldats qu’il avait sous ses ordres, Cabrera se jeta dans le haut Aragon, où il répandit la terreur au nom de don Carlos, mais en refusant cependant d’obéir aux ordres des chefs carlistes.

Sa troupe ne tarda pas à devenir considérable et il se fit proclamer général par elle. Bientôt il obtint de don Carlos la confirmation de ce grade.

Longtemps on vit Mina et Cabrera, rivaux en politique, mettre leur amour-propre à lutter de cruauté envers les prisonniers que le sort de la guerre faisait tomber entre leurs mains.

Après s’être emparé d’une foule de villes, de bourgs et de châteaux dans la province de Valence et dans l’Aragon, Cabrera, se précipitant à la poursuite de Gomez, entra dans l’Andalousie, mais dédaigné par la petite cour de don Carlos, il rentra dans l’Aragon, y fut surpris par des forces de beaucoup supérieures, qui battirent et dispersèrent son armée. Lui même fut grièvement blessé et traqué de tous côtés par les christinos, qui le forcèrent à se cacher dans les bois. Un curé d’Almagon, village voisin des cantonnements ennemis, lui donna asile.

A peine guéri de sa blessure, il réorganisa son corps d’armée, et grâce à l’ordre et à la discipline qu’il sut établir dans les rangs, il compta bientôt sous ses ordres 10,000 hommes d’infanterie et 1,600 chevaux. Entrant avec la rapidité de l’éclair dans la province de Valence, il y battit complètement les christinos, le 18 février 1837, à Bunol, et le 19 mars suivant, à Burjazot, faisant dans ces deux rencontres une grande quantité de prisonniers et enlevant un butin immense.

Battu à son tour par les chasseurs d’Oporto, aux environs de Torre-Bianca, et blessé de nouveau grièvement, il n’échappa que miraculeusement à la mort. On n’avait pas encore pu extraire de son corps le plomb qui l’avait frappé, lorsque l’occupation de l’importante position de Villa-Réal par les christinos lui inspira l’audacieuse pensée de les y surprendre et de les en chasser.

Après s’être emparé du vieux château-fort de Contrarieje, non-seulement il résista avec énergie au général Oraa, envoyé pour arrêter ses succès, mais encore il favorisa puissamment la marche du prétendant sur Madrid, manœuvre hardie qui faillit lui ouvrir les portes de cette capitale. Le prince, reconnaissant, le nomma, par un décret de 1858, comte de Morella (Cabrera avait pris cette forteresse),