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Charles de Frégeville fit la campagne suivante sous Lafayette et y commença sa réputation.

Le colonel Halzan et le premier lieutenant-colonel Hock, tous deux hostiles aux idées nouvelles, avaient résolu de passer à l’ennemi avec tout le régiment qui se trouvait alors sur la frontière des Ardennes. Lafayette était absent; on avait éloigné Frégeville comme patriote, mais celui-ci averti à temps, accourut, et fit tant que le régiment, un instant ébranlé, refusa de partir et de suivre au camp autrichien son Colonel, le lieutenant-colonel en premier et huit officiers qui émigrèrent seuls. En récompense, Charles de Frégeville fut nommé colonel de ce même régiment. Il ne tarda pas à se signaler par sa belle conduite: ainsi, sous Dumouriez, lors de la retraite de Grand-Pré, il conduisit ses hussards en habile capitaine et se battit en soldat intrépide. On sait que Dumouriez avait, en cette occasion, 20,000 hommes en retraite devant une armée de 100,000 Prussiens ou Autrichiens; Frégeville qui formait l’arrière-garde, chargea plusieurs fois la cavalerie ennemie et la tint en échec. Peu de jours après, il se couvrit de gloire à Valmy, de même qu’à Jemmapes, à Halle, à Bruxelles, à Tirlemont et devint l’exemple de l’armée.

Peu de temps avant sa fuite, Dumouriez alla le trouver au camp de Maulde et lui confia ses desseins: son plan consistait à enlever le Dauphin du Temple, à le proclamer roi au milieu de son armée et, à confier la régence au duc de Chartres (général Égalité) aujourd’hui Louis-Philippe. Le colonel Frégeville consentit à se prêter à ses vues. Sous prétexte de refaire son régiment, de prendre des hommes du dépôt, ou d’empêcher la désertion, il fut convenu que le colonel se rendrait à Cambrai, puis à Pont-Saint-Maxence: à peine était-il en marche qu’il reçut un second ordre de Dumouriez pour l’arrestation de Bouchotte, alors officier supérieur de hussards et depuis peu commandant de la place de Cambrai, où il présidait le club populaire. Frégeville s’apprêtait à s’acquitter de cette commission lorsqu’un courrier extraordinaire instruisit les autorités que Dumouriez avait émigré, qu’il était déclaré traître à la patrie, mis hors la loi, et que tout officier qui exécuterait des ordres de lui serait condamné à mort. Frégeville se contenta de déchirer le mandat d’arrestation qu’il avait reçu ; mais un colonel, qui avait connu cet ordre, fit part à Bouchotte des dangers qu’il avait courus. Ce commandant de place se borna à écrire au général Dampierre, successeur de Dumouriez, de délivrer Cambrai d’un régiment qu’il considérait comme très-suspect. Dampierre qui comptait sur le patriotisme du 2’ hussards, confia à Frégeville le commandement de toutes les troupes qui couvraient Valenciennes; ce colonel s’y conduisit de la manière la plus distinguée ; mais bientôt rappelé au quartier général, Dampierre lui communiqua un ordre qui lui prescrivait de l’envoyer à Paris pour rendre compte de sa conduite. On sait ce qu’étaient alors ces sortes d’appel à Paris: c’était l’échafaud en perspective, et cependant il partit. Heureusement le Comité de salut public avait été prévenu avantageusement par les représentants du peuple, il renvoya Frégeville à son régiment.

Le 15 mai 1793, il fut nommé général de brigade à l’avant-garde de l’armée des Pyrénées-Orientales. Cette avant-garde était de 3,000 hommes et l’armée de 11,000 à peine. Avec des forces si inférieures, le général Frégeville fit souvent tête à l’ennemi et remporta divers avantages; mais un jour, n’ayant avec lui que 400 hommes, il fut enveloppé par environ 3,000 hommes et fait: pri-