Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, II.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avec un peu de bon sens et beau-coupd’énergie.

Malet n’avait rien eu de plus pressé que d"aller s’installer au quartier général de la place Vendôme, qui lui offrait toutes les facilités désirables pour jouer.son rôle de commandant ; D’un coup de pistolet, il avait cru se débarrasser du général Hullin ; il allait disposer des officiers d’état-major, des bureaux, des cachets, et ses ordres, portés désormais par des ordonnances, ne pouvaient plus manquer d’être reconnus dans toutes les casernes ; mais un officier de la police militaire qui se trouvait là, lé chef de bataillon Laborde a reconnu dans le nouveau général du Sénat l’ancien prisonnier Malet ; il ne veut rien croire de ce qu’un tel homme annonce, se jette sur lui, le désarme et le fait rentrer en prison.

Dès ce moment la conspiration est arrêtée. C’est un corps dont le cœur a cessé de battre. Les troupes, honteuses du rôle qu’on leur a fait jouer, se laissent facilement ramener dans leurs casernes, et l’ordre est aussitôt rétabli.

Tel est l’exposé de cette tentative hardie, incroyable, qui faillit renverser un magnifique échafaudage de gloire et de puissance. Le plan de Malet était habilement combiné, il avait trouvé le côté faible du gouvernement impérial, et si bien calculé les conséquences de l’obéissance passive, que le prisonnier, à peine libre, remplace l’Empereur. Dans cette déroute du pouvoir, le nom du roi de Rome ne fut pas même prononcé ; chacun ne songea plus qu’à soi. Au bruit de la mort de l’Empereur, le talisman s’était brisé ; Malet a révélé un secret fatal, celui de la faiblesse de la nouvelle dynastie.

Les généraux Malet, Guidai et Laho-rie, traduits le 29 octobre 1812 devant un conseil de guerre, furent fusillés le

30 dans la plaine de Grenelle. Plusieurs malheureux officiers que les chefs avaient entraînés furent condamnés avec eux. L’Empereur déplora cette rigueur et la promptitude avec laquelle on l’avait, exercée. C’est une fusillade, c’est du sang, s’écria-t-il à la nouvelle du jugement, •quelle impression cela va faire en Francel Ce fut à la hauteur de Mikalewka, et le 6 novembre, qu’une estafette, la première qu’on eût reçue depuis dix jours, vint appor.ter la nouvelle de cette étrange conspiration. A peine arrivé à Paris, Napoléon fit venir i’Archichancelier, et dès qu’il l’aperçut, il courut à lui l’œil enflammé de colère : « Ah ! vous voilà, lui dit-il d’une voix tonnante ; qui vous a permis de faire fusiller mes officiers ? Pourquoi m’avez-vous privé du plus beau droit du souverain, celui de faire grâce ; vous êtes bien coupable ! »

« La célèbre affaire de Malet était, en petit, mon retour de l’île d’Elbe, ma caricature. Cette extravagancene fut, au-fond, qu’une véritable mystification : c’était un prisonnier d’État, homme obscur qui s^échappe pour emprisonner à son tour le préfet, le ministre de la police, ces gardiens de cachots, ces flaireurs de conspirations, lesquels se laissent moutonnement garrotter. C’est un préfet de Paris, le répondant né de son département, très-dévoué d’ailleurs, mais qui se prête, sans la moindre opposition,aux arrangements de réunion d’un nouveau gouvernement qui n’existe pas. Ce sont des ministres nommés par les conspirateurs, occupés de bonne foi à ordonner leur costume, et faisant leur tournée de visites, quand ceux qui les avaient nommés étaient déjà renlrésdans les cachots ; c’est.enfin toute une capitale, apprenant au réveil l’espèce de débauche politique de la nuit, sans en avoir éprouvé le moindre inconvénient. Une telle extravagance ne pouvait avoir absolument aucun résultat.