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que les fausses manœuvres de leurs chefs avaient livrés au fer de l’ennemi.

À la tête de deux escadrons de chasseurs et de Mamelucks, il se précipita sur la Garde impériale russe, porta le désordre dans ses rangs, fît prisonnier le prince Repnin, l’un des colonels des chevaliers-gardes, et s’empara de l’artillerie et de tous les bagages des troupes qui lui étaient opposées. La satisfaction de l’Empereur fut telle, qu’il nomma Rapp général de division le 3 nivôse an XIV, et voulut qu’il figurât dans le tableau que Gérard a fait de cette immortelle journée.

La campagne de Prusse et de Pologne, en 1807, fournit au général Rapp de nombreuses occasions d’y déployer sa valeur chevaleresque. Chargé de poursuivre les fuyards après la bataille d’Iéna, il pénétra des premiers dans Weimar. À Naziesk, il tailla en pièces le corps de cavalerie du général russe Kaminskoi. Enfin, à Golymin, il soutint une lutte opiniâtre contre des masses d’infanterie et eut le bras gauche fracassé par une balle. Il n’était pas encore guéri de sa blessure quand il remplaça, le 2 juin, dans le poste de gouverneur de Dantzig, le maréchal Lefebvre qui venait de s’emparer de cette place. Le 23 décembre de la même année, il fut créé chevalier de la Couronne de Fer. Pendant deux ans il exerça les fonctions importantes de gouverneur de Dantzig ; les habitants lui décernèrent une épée enrichie de diamants sur laquelle on lisait une inscription, et Napoléon le nomma, le 1er août 1809, comte de l’Empire avec une dotation de 25.000 fr. sur le domaine de Hitzacher situé en Hanovre. La guerre se ralluma cette année dans le Nord avec une nouvelle fureur : la Bavière est envahie par les Autrichiens ; Napoléon accourt à la rencontre de l’ennemi. L’armée française triomphe à Eckmühl, à Ebersberg, et se porte rapidement sur Vienne. Pendant qu’elle s’avance sur les rives du Danube, les Autrichiens descendent ce fleuve par l’autre rive. Les combattants des deux armées opposées se trouvent bientôt en présence au village d’Essling ; une partie de nos troupes franchit le fleuve sous le feu des batteries ennemies ; mais les ponts sont emportés par une crue subite du Danube, et 25 à 30.000 hommes ont à soutenir les efforts de toute l’armée autrichienne. Pendant que nos bataillons, exténués de faim, de fatigue et manquant de munitions, déploient un courage surhumain, mais sans espoir de succès, les masses qu’ils ont à combattre redoublent d’efforts pour les déborder. Le général Mouton, avec deux bataillons de la Garde, parvient un instant à les contenir ; cette lutte est trop inégale pour être durable. Napoléon inquiet de la position critique de cette partie de l’armée, fait dire à Rapp de se mettre à la tête de deux nouveaux bataillons, de voler au secours de ses frères d’armes, de protéger leur retraite, et de prendre position avec eux sur les bords du Danube. Le prince Charles, pressé de profiter de ses avantages, ébranlait de nouveau ses masses. Les deux généraux, fondant avec impétuosité sur ces colonnes hérissées de fer et entourées d’une ceinture de feu, portent le désordre dans leurs rangs, les culbutent et restent maîtres du champ de bataille.

Revenu à Paris en 1810, à l’époque du divorce de Napoléon avec Joséphine, Rapp ne craignit pas de blâmer la conduite de son maître, et reçut, en récompense de sa franchise, l’ordre de retourner dans son gouvernement de Dantzig. Il n’en fut pas moins créé grand officier de la Légion-d’Honneur le 30 juin 1811. Il donna toutefois une nouvelle preuve de sa sincérité à l’Empereur en condamnant l’expédition projetée au delà du Niémen, dont il prévoyait les funestes résultais.